Nuria Gorrite: «La société hygiéniste que nous bâtissons ne me plaît pas»

La présidente du gouvernement vaudois s'est confiée sur sa façon d'appréhender la crise sanitaire. Interview.
Grégoire Barbey

La présidente du gouvernement vaudois Nuria Gorrite fait figure d’exception en Suisse romande: elle a la responsabilité de présider le Conseil d’Etat tout au long de l’actuelle législature. Le canton de Genève s’y était essayé, mais l’expérience fut peu concluante et le Conseil d’Etat a préféré revenir au système d’une présidence tournante. Contrairement à ses homologues d’autres cantons qui ont tous remis leur fonction de président durant la crise, Nuria Gorrite reste donc à la tête du Conseil d’Etat vaudois. Comment vit-elle ces responsabilités au quotidien? Quels enseignements tire-t-elle de cette expérience à laquelle ni elle, ni aucun autre membre d’un gouvernement cantonal n’était préparé? L’Affranchi l’a rencontrée dans son bureau à Lausanne pour en discuter avec elle.

Le conseiller fédéral Alain Berset a déclaré la semaine dernière qu’une troisième vague de coronavirus semble se profiler en Suisse. Les indicateurs vaudois vous suggèrent un tel scénario également?
Oui et non. Nous n’observons pas de reprise de la circulation de façon massive pour l’instant. Mais je le précise bien: pour l’instant. Le principal enseignement de cette pandémie, c’est que la situation peut évoluer rapidement et les contaminations progresser de manière exponentielle. Le taux de reproduction vaudois se situe à 1,02 actuellement. Nous avons le sentiment que la vaccination des personnes vulnérables tend à réduire les hospitalisations dans notre canton. Mais nous devons rester prudents, car le variant anglais est très présent et peut favoriser une forte accélération de la circulation du virus. Nous avons d’ailleurs demandé au Conseil fédéral d’analyser désormais la situation sanitaire en fonction des contagions par tranche d’âge. Si une troisième vague devait toucher principalement les moins de 65 ans, c’est évidemment moins grave, car c’est une population qui est moins représentée dans les cas d’hospitalisation aux soins intensifs.

Compte tenu d’une nouvelle hausse des contaminations, le Conseil fédéral a soumis aux cantons un projet de consultation plutôt prudent en termes d’assouplissement des mesures sanitaires. Est-ce que ces allégements sont suffisants, ou au contraire sont-ils excessifs compte tenu du spectre d’une troisième vague?
La stratégie d’un assouplissement prudent est juste. Le Conseil fédéral a raison: on ne peut pas encore se permettre de dire que nous sommes sortis d’affaire. La forte présence du variant anglais nous fait craindre une nouvelle flambée de cas qui conduirait à un engorgement des hôpitaux. Il faut aussi admettre que la vaccination ne se déploie pas aussi rapidement qu’espéré. Ces facteurs font que nous comprenons bien les raisons qui poussent la Confédération à privilégier une réouverture progressive. Le Conseil d’État vaudois a malgré tout proposé quelques pistes supplémentaires pour la prochaine étape, parce que la situation actuelle nous semble étrange. On peut travailler, consommer, aller à l’Église jusqu’à 50 personnes, mais les théâtres sont toujours fermés. Nous avons donc  demandé d’autoriser la réouverture des théâtres avec une jauge de 50 spectateurs dans un premier temps. Nous demandons également le retour de l’enseignement en présentiel pour les hautes écoles. Sur ce point, nous observons d’ailleurs que les taux de contamination dans les gymnases sont bas. Les activités sportives devraient à nouveau être autorisées pour les jeunes adultes et pas seulement pour les moins de 16 ans. Enfin, nous avons enjoint le Conseil fédéral, s’il décidait d’autoriser la réouverture de la restauration en terrasse, d’éviter les pénalisations pour les cas de rigueur. L’exploitation des terrasses ne concerne pas tous les restaurateurs, et même ceux qui saisiront cette occasion ne pourront pas compenser la perte de chiffre d’affaires occasionnée par les restrictions qui continuent de s’appliquer pour leur activité. Les restaurateurs doivent pouvoir continuer d’être dédommagés même s’ils rouvrent leurs terrasses. Je salue le fait que le Conseil fédéral ait entendu ces demandes.

Le Conseil fédéral mise, entre autres, sur les dépistages de masse pour accompagner la reprise des activités afin de circonscrire la propagation du virus. Ces derniers jours, la communauté scientifique a fait état de l’apparition d’un variant breton qui échapperait aux tests PCR. Est-ce que cela pourrait fragiliser cette stratégie?
Le premier pilier de la stratégie de sortie de crise demeure à mes yeux la vaccination des personnes à risque. C’est d’ailleurs une course contre la montre pour protéger les personnes vulnérables le plus rapidement possible. La vaccination est le meilleur moyen de freiner la propagation du virus, ainsi que de ses variants. Mais la caractéristique principale de la pandémie, c’est l’incertitude. Nous en apprenons tous les jours. Et c’est ce qui complique l’action des femmes ou hommes politiques en ce moment: il faut prendre des décisions alors que la connaissance de cette maladie évolue. Nous adaptons nos stratégies au gré des acquisitions de connaissance sur le virus, et il faut admettre une part d’inconnue lorsque nous prenons des décisions.

Vous présidez le gouvernement vaudois pour toute la durée de la législature, contrairement aux autres cantons romands où la présidence change chaque année. Après un an de pandémie, comment vivez-vous ces responsabilités au quotidien?
Je le vis bien. Ce n’est vraiment pas une législature de tout repos, pour différentes raisons. Et se retrouver aux commandes d’un collège en pleine pandémie mondiale, c’est inédit. Mais la situation est inédite pour tout le collège. Nous avons la chance d’avoir dans le canton de Vaud un fonctionnement collégial efficace, avec des décisions prises à l’unanimité. Présider un collège qui tire à la même corde, où chaque conseiller d’État joue son rôle dans son département, c’est plus facile. C’est aussi agréable de pouvoir se reposer sur des collègues qui vivent cette réalité au quotidien. Je ne le cache pas, nous avons vécu des moments très durs. Au printemps 2020, les dix premières semaines ont été uniquement consacrées à la gestion de l’urgence sanitaire. Nuit et jour, week-end compris. Nous nous réunissions le samedi soir, le dimanche… On ne peut pas imaginer le rythme infernal que nous nous sommes imposés. Mais les difficultés des autorités ne sont rien en comparaison de ce que les citoyennes et les citoyens ont pu vivre ces derniers mois. La maladie, le décès d’un proche, l’incertitude économique, le compte en banque qui se vide, l’éloignement social… Etre aux responsabilités dans une telle période, c’est un privilège. Parce que nous sommes dans l’action.

A titre personnel, qu’est-ce que cette crise a changé pour vous?
Elle m’a renforcé dans ma conviction de l’importance de nos institutions et de la nécessité d’avoir un Etat démocratique qui est à la fois fort et protecteur. Il y avait juste avant la crise une tendance à considérer que nos institutions étaient dépassées, obsolètes. On imaginait alors tout un nouveau monde en devenir, en opposition à un ancien monde qu’il fallait mettre au placard. Du jour au lendemain, lorsque l’état de nécessité a été proclamé, tout le monde s’est tourné vers l’État. Parce que les gens avaient besoin de sécurité physique, matérielle, sanitaire. Dans une telle situation, le seul recours, c’est bien l’État. Il faut donc qu’il puisse réagir, et réagir vite. Et à celles et ceux qui n’ont pas perdu de vue l’objectif d’affaiblir l’État, je leur rappelle qu’après la crise il faudra encore qu’il soit au rendez-vous pour protéger toutes les personnes qui sortiront meurtries des conséquences de la pandémie et contribuer à la relance économique. Au fond, cette situation nous démontre à quel point l’individu seul ne peut rien, et combien l’organisation collective est essentielle.

«La crise a renforcé ma conviction de l’importance d’avoir un Etat fort et protecteur.»

La population semble de plus en plus lassée des restrictions sanitaires. A tel point que les menaces et autres agressions à l’égard des autorités sont en hausse. Est-ce qu’en tant que présidente du Conseil d’Etat vaudois, vous êtes victime de ce phénomène?
Oui, bien sûr. C’est l’expression de notre société, de ce que nous en avons fait. Nous avons considéré que l’individu a tous les droits. Que la liberté individuelle prime sur la contrainte collective. Nous avons vécu dans une société basée sur le confort matériel, sans frustration. Les réseaux sociaux, avec leur propension à diffuser tous les messages sans hiérarchie, ont aussi participé à ce phénomène. Tous ces facteurs s’entrechoquent et, en pleine tempête, les frustrations doivent malheureusement s’exprimer. Elles s’adressent évidemment aux personnes qui sont publiquement exposées.

Cela vous inquiète?
Oui et non. Il faut aussi se mettre à la place des gens. Je ne suis pas naïve, il y a des organisations qui sont derrière ces mouvements de protestation. Mais il y a aussi des gens qui adhèrent à ces théories par manque de connaissance dans le fonctionnement de nos institutions. La crise génère beaucoup de souffrance, d’incompréhension, d’incertitude. J’aime à croire que c’est un moment, une parenthèse dans l’histoire. Et c’est pourquoi la démocratie est indispensable: elle permet aux gens de s’exprimer, de décider. Je ne veux pas surinvestir ces menaces. En Suisse, nous n’avons pas connu d’agression physique d’une personnalité politique. Il faut savoir raison garder.

Ça vous est déjà arrivé de déposer plainte face à des menaces?
Pas fréquemment, mais oui car il faut poser une limite lorsque cela va trop loin.

Beaucoup de gens imaginent que ce sont aujourd’hui les scientifiques qui dictent l’agenda politique des autorités. Pouvez-vous nous expliquer comment le Conseil d’Etat vaudois prend ses décisions? A quoi ressemble une séance du collège qui a pour ordre du jour de nouvelles restrictions sanitaires?
Le canton de Vaud s’est lui aussi doté d’une task force scientifique. Elle a ses propres appréciations. Ensuite, chaque chef de département a la charge d’une politique publique. Nous écoutons bien entendu les scientifiques, qui s’expriment d’une voix forte compte tenu de la situation sanitaire. Mais nous prêtons également une oreille attentive aux organisations économiques, aux associations culturelles, sportives et civiles. Notre rôle est d’arbitrer entre les impératifs sanitaires, économiques et sociaux. C’est sûr que nous sommes attentifs à la parole des scientifiques. Dans le cas contraire, nous glisserions dans l’obscurantisme. Mais nous ne suivons pas pour autant aveuglément les recommandations des experts. Lorsque le collège se réunit, chaque conseiller d’Etat a soigneusement préparé des propositions, soit de nouvelles mesures, soit d’adaptation des dispositifs d’aide. Les séances du Conseil d’Etat sont organisées par l’Etat major présidentiel. Une fois que nous avons écouté les avis de chacun, c’est le Conseil d’Etat qui a le dernier mot et qui procède aux arbitrages. Mais croyez-moi, ce n’est jamais de gaieté de cœur que nous avons dû prendre des restrictions des libertés individuelles. Nous l’avons fait car la situation l’exigeait.

De nombreux milieux économiques en ont ras-le-bol et estiment que les restrictions qui s’imposent à leurs activités sont excessives. Est-ce que la Confédération s’est montrée à la hauteur par les aides octroyées aux secteurs sinistrés? On peut imaginer que la grogne serait moins forte si les entreprises avaient obtenu des aides qui leur garantissaient de survivre aux restrictions…
Le canton de Vaud a été parmi les premiers à plaider pour que chaque restriction soit accompagnée d’une aide économique. C’était d’autant plus légitime que la Confédération a assaini sa dette ces dernières années, et que cette gestion des finances publiques était motivée pour faire face aux imprévus. Nous sommes en pleine crise, c’est donc le moment d’utiliser cette marge de manœuvre financière. Au printemps 2020, la Confédération a été à la hauteur dans sa réponse économique. Les aides ont été déployées rapidement, les crédits covid également. En revanche, pour la deuxième vague en automne, les annonces successives, avec des changements réguliers de modalités pour les ayant-droits, des tranches de crédit qui se libèrent au compte-goutte, des aides décrétées par le Conseil fédéral mais pas encore validée par les Chambres fédérales… tout ça a été un moment assez pénible pour les autorités cantonales, et plus encore pour les personnes concernées. Les cantons ont dû avancer de l’argent sans savoir s’ils seraient remboursés. On parle ici d’un risque financier majeur qui se chiffre en centaines de millions de francs. La réponse de la Confédération durant la deuxième vague aurait pu être bien meilleure sur le plan économique. Heureusement, le Conseil fédéral semble avoir pris en compte les appels des cantons et des organisations économiques, en décidant une extension de la définition des cas de rigueur.

Avec le recul, si vous deviez faire quelque chose différemment, ce serait quoi?
J’ai le sentiment qu’on a quand même pris des bonnes décisions au bon moment en fonction des connaissances dont nous disposions alors. Nous aurions peut-être pu être plus offensifs au niveau des cantons pour inciter la Confédération à être plus volontariste en matière d’aide économique.

«Ce que nous nous sommes infligé pour combattre le virus a généré sur le plan social une souffrance énorme.»

Il faudra peut-être garder le masque et respecter les distances spatiales entre les gens encore des années d’après un courrier de l’Office fédéral de la santé publique dont la presse s’est fait l’écho. Vous y êtes prête?
Ce que nous nous sommes infligé pour combattre le virus, sur le plan social, ça a généré une souffrance énorme. L’être humain a besoin de contact. De proximité avec les autres. Cet éloignement a fait beaucoup de mal. Donc j’espère que ça ne durera pas encore si longtemps. Je dois reconnaître que la société hygiéniste que nous sommes en train de bâtir ne me plaît pas. Les courriers que je reçois ne contiennent pas que des menaces ou des encouragements, mais aussi des dénonciations. Le climat est propice à la délation, à la surveillance du comportement de nos concitoyens. Je ne trouve pas cela réjouissant. Mon vœu est que nous sortions le plus rapidement de tout ça, et que ces nouveaux comportements ne soient qu’une parenthèse de notre existence. Je crois en la science pour nous amener du progrès dans la lutte contre les pandémies. Mais il ne faut pas se leurrer, nous nous orientons vers une asiatisation de nos sociétés occidentales. Auparavant, le port du masque n’était pas quelque chose de normal. Aujourd’hui les gens s’y sont habitués. Cela pourrait perdurer.

Les restrictions sanitaires ont eu pour conséquence d’accélérer la numérisation de notre société. Mais la Suisse n’a toujours pas adopté un véritable cadre général permettant de définir des droits en lien avec le numérique et les objectifs que les technologies doivent viser. Comment percez-vous ce phénomène?
Je fais partie de celles et ceux qui plaident pour que la Suisse se dote d’une stratégie numérique claire. L’Etat de Vaud a été l’un des premiers cantons à en adopter une. Au Conseil fédéral, il manque une personne pour incarner la politique publique du numérique. Faute d’un ministre qui porte ce dossier, de nombreux débats s’enlisent. J’ai le sentiment que le Conseil fédéral a une foi inébranlable dans la technologie, alors que nous savons l’importance de fixer des cadres pour tirer le maximum de potentiel du numérique en faveur de notre société tout en n’abdiquant pas du rôle de l’Etat.

Vous avez été l’une des figures de la campagne contre la Loi sur les services d’identification électronique. Près de deux tiers des votants ont balayé ce projet. Comment analysez-vous ce résultat assez inattendu?
Ce résultat m’a surpris. Les Suisses ont compris que des éléments essentiels ont été cachés dans cette votation. En particulier la teneur des ordonnances d’application de la loi. Pour moi, ce rejet du projet de la Confédération traduit une méfiance des citoyens de confier leurs données à des sociétés privées. Il y a une confiance numérique à construire, et c’est le rôle de l’Etat que d’organiser cette confiance, car contrairement aux entreprises privées, l’Etat est soumis à un contrôle démocratique. C’est aussi une défiance à l’égard de la centralisation des informations, alors que celles et ceux qui s’intéressent à ce sujet savent combien la décentralisation est primordiale pour limiter les risques. Je regrette que dans ce dossier, comme dans d’autres s’agissant du numérique, l’Etat s’autoproclame incompétent. Il doit au contraire s’investir davantage. L’Etat doit être fort, y compris sur le plan numérique. Ce n’est pas souhaitable que ça soit des intérêts mercantiles qui dictent l’agenda des évolutions technologiques.

L’hypercommunication associée aux nouvelles technologies a tendance à casser les hiérarchies qui prévalaient autrefois. La parole des autorités se noie dans un océan d’informations contradictoires, d’opinions tranchées. La population semble avoir toujours plus d’appétit pour les opinions tranchées, et de moins en moins de compréhension pour la nuance. Sommes-nous condamnés à ne plus nous comprendre?
C’est une crainte que nous pouvons légitimement nourrir. Cela me préoccupe énormément. Je crois que la première erreur a été l’invention des journaux gratuits, qui ont favorisé l’émergence de formats rapides, réduisant ainsi l’expression de la pensée à des phrases accrocheuses, préférant la punchline a la complexité de la réalité. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste : ils créent des bulles de filtre, où chacun est condamné à ne côtoyer que les gens qui lui ressemblent. La différence d’opinion n’est plus tolérée. Ces plateformes favorisent l’émergence d’une pensée unique, qui se cantonne à des cercles qui sont imperméables aux autres. Le paradoxe, c’est qu’en utilisant internet, en étant connecté, les gens ont le sentiment d’être au contraire ouverts sur le monde. Et pourtant, leur monde se rétrécit à cause des algorithmes qui ne leur proposent que du contenu qu’ils sont censés apprécier. Je plaide pour ma part en faveur d’une presse écrite payante, qui propose un contenu de qualité, et où s’exprime la pluralité des opinions et pour une formation qui continue d’enseigner la culture au débat, la confrontation des idées et la complexité du monde.

Peut-on encore être optimiste quand on fait de la politique face à tous ces phénomènes qui semblent pousser la société vers les extrêmes?
Il faut rester résolument optimiste. Je le suis. C’est une minorité qui s’exprime bruyamment. Les élections qui ont lieu dans le canton de Vaud témoignent d’une bonne participation de la population. Elle s’exprime par les urnes. Et ce sont les principaux partis représentés dans les gouvernements qui bénéficient de la confiance. Je crois même qu’on assiste à une érosion du vote contestataire en Suisse. L’UDC ne progresse plus dans notre pays. Je préfère me concentrer sur la majorité silencieuse. Et on le voit bien avec les jeunes qui descendent dans la rue pour défendre leur avenir : il y a une volonté de leur part de ne pas simplement subir leur sort. Ils veulent être acteurs du changement. Je trouve ça réjouissant. Ces jeunes sont formidables.

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