Pour une économie éthique et respectueuse des droits humains

Le député socialiste genevois Emmanuel Deonna estime que le contre-projet à l'initiative «Entreprises responsables» a été vidé de sa substance. Raison pour laquelle il appelle à voter oui.

La campagne sur l’initiative dite «entreprises responsables» suscite les passions. La fébrilité augmente dans les deux camps à mesure que l’on s’approche de la votation. Cette initiative a le mérite de provoquer un débat à propos des valeurs morales formant le socle de notre pays. Elle touche au cœur des attentes que nourrissent pour la Suisse nos citoyens, élus et dirigeants. Sous couvert de contribuer au développement économique des pays émergents, pour une partie des milieux économiques, la politique de maximalisation des profits des entreprises suisses à l’étranger doit se poursuivre à l’identique. Vidé de sa substance par rapport au contre-projet initial à l’issue de près de trois ans de débat, le contre-projet mis en avant par les opposants ne peut en effet pas faire illusion. Depuis de très longues années, les entreprises multinationales basées en Suisse bénéficient de la neutralité ou des encouragements des autorités politiques suisses. Heureusement, cette permissivité a aussi très souvent été montrée du doigt par les organisations humanistes et progressistes. Pour les ONGs, la gauche et le comité bourgeois en faveur de l’initiative, les buts économiques poursuivis par nos multinationales ne peuvent pas être séparés des dimensions sociales de leurs activités. Ainsi, la responsabilité morale et éthique des entreprises suisses actives à l’étranger doit aller de pair avec des obligations juridiques concrètes. Le Conseil fédéral a admis à demi-mot l’existence d’un problème avec le secteur des matières premières. Cependant, il se voile la face en persistant à prôner l’auto-contrôle. Ces mesures n’ont pas fonctionné avec le secret bancaire. La multiplication des scandales impliquant, hier comme aujourd’hui, des grandes entreprises multinationales suisses – Nestlé, Ciba, Hoffmann-Laroche, Glencore, Lafarge Holcim, etc –  prouve que l’auto-surveillance ne fonctionne pas.

Solidarité et responsabilité

L’initiative «entreprises responsables» demande aux entreprises de vérifier si les normes de droits humains et environnementales sont respectées aussi à l’étranger dans le cadre de leurs activités. Cette vérification doit inclure les activités de leurs filiales, fournisseurs et partenaires commerciaux. Si nécessaire, les entreprises doivent prendre des mesures et en rendre compte. Elles doivent répondre des dommages des entreprises qu’elles contrôlent. En raison de leur taille et de leur poids économique qui excède celui de nombreux Etats, les activités des multinationales ont un impact considérable. Ces dernières années, de nombreux engagements ont été définis sur une base volontaire. C’est le cas notamment en ce qui concerne la pêche, le bois, l’huile de palme, l’or et le coton. Cependant, les exigences et les contrôles de ces labels sont loin d’être uniformes. Aucun de ces derniers n’a réussi à réunir tous les acteurs d’une branche économique. Et le vide juridique actuel profite à une minorité d’entreprises dénuées de scrupules. Les multinationales qui violent leurs obligations en matière de protection de l’environnement et de droits humains se rendent coupables de dumping écologique et social. Les entreprises qui les respectent subissent la concurrence injuste de celles qui les bafouent. L’Afrique du Sud et l’Équateur ont pris l’initiative d’un traité sur la responsabilité des sociétés transnationales. L’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a établi en 2015 des Principes directeurs pour les entreprises multinationales. En France, la loi «relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres» a été promulguée le 27 mars 2017. Les sociétés par actions employant elles-mêmes ou dans leurs filiales au moins 5000 salariés en France ou 10’000 dans le monde, doivent mettre au point un «plan de vigilance» décrivant les mesures «propres à identifier et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement». D’autres pays européens, comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni vont dans la même direction. Des progrès notables ont ainsi été réalisés en Europe. Un traité multilatéral sur la responsabilité des multinationales ne relève pas de l’utopie. Au lieu d’une mondialisation dérégulée et prédatrice, choisissons une Suisse porteuse des valeurs de solidarité et de responsabilité en votant oui le 29 novembre prochain!

Lire aussi: Les arguments contre l’initiative du député libéral-radical Murat Julian Alder

Emmanuel Deonna
Député socialiste au Grand Conseil genevois

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