Naturalisation: le débat sur les prérogatives des communes est nécessaire

L'inégalité de traitement règne en matière de naturalisation. La faute à des communes appliquant des critères d'intégration loufoques et critiquables.
Grégoire Barbey

Deux drôles d’histoire ont remis en lumière les disparités qui existent en Suisse s’agissant de la naturalisation: le cas de cette jeune femme turque dont la demande a été refusée à Buchs (Argovie) parce qu’elle n’a pas répondu au questionnaire qui lui a été soumis selon les attentes des membres de la commission idoine, et la publication des 93 questions posées à un candidat par la commune de Corsier-sur-Vevey (Vaud). Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle surprend toujours, parce qu’il y a en Suisse autant de pratiques pour la naturalisation qu’il y a de communes (environ 3000) et de cantons.

C’est l’opportunité de mener un débat nécessaire sur le sujet: faut-il maintenir le modèle actuel ou bien s’agit-il de le réformer en l’uniformisant sur le plan fédéral? La nationalité ne concerne pas uniquement les communes et les cantons: l’obtention du passeport est une question qui concerne tout le pays. Or, en fonction de la commune de résidence d’un étranger, la procédure à laquelle il devra se plier peut être plus ou moins… originale. Pour ne pas dire pittoresque. Entre des questions ouvertes dont les critères de réussite ne sont pas transparents, des demandes qui s’apparentent davantage à une intrusion dans la sphère privée des candidats, les attentes particulières des membres des commissions de naturalisation… La diversité des pratiques donne l’impression qu’il n’existe aucune égalité de traitement en Suisse dans ce domaine.

Nous défendons bien sûr le fédéralisme, et c’est une excellente formule que de laisser aux communes et aux cantons le plus de prérogatives possibles. Une pesée des intérêts doit toutefois avoir lieu en ce qui concerne la naturalisation. Alors que les critères d’obtention seront encore renforcés l’an prochain, il faut oser la question: est-ce que la marge de manEuvre accordée aux communes est vitale pour le fédéralisme? Est-ce qu’une uniformisation nuirait réellement aux intérêts des collectivités locales? Nous ne le pensons pas. S’il y a une volonté politique pour maintenir dans la procédure de naturalisation l’observation de critères d’intégration, nous sommes prêts à l’accepter. C’est un choix de société, même si la notion d’intégration est sujette à caution et doit être abordée avec les cautèles qui s’imposent.

Lire aussi sur le sujet: «L’arbitraire n’est pas près de disparaître»

Or, ce que nous voyons aujourd’hui, près de quarante ans après la parution du célèbre film «Les faiseurs de Suisse», c’est qu’il existe encore dans certaines communes une vision fantasque de la naturalisation. A tel point qu’on se demande si certains élus ne confondent pas intégration et assimilation. Les communes doivent évidemment garder une marge d’appréciation, parce qu’elles sont directement en lien avec la personne demandant la naturalisation. Mais les questionnaires, auditions et attentes en la matière devraient faire l’objet d’une uniformisation pour respecter, autant que faire se peut, une certaine égalité de traitement. Pour l’heure, c’est l’arbitraire qui domine.

Il ne s’agit aucunement de brader le passeport suisse, comme pourraient être tentés de l’affirmer certains idéologues nationalistes. Non, parce que les critères retenus seront toujours le résultat d’un choix politique, et qu’on peut donc fixer des attentes précises pour chaque candidat à la naturalisation. Nous pensons pourtant qu’une simple procédure administrative se justifierait, puisqu’il existe en amont des exigences strictes pour être éligible à la naturalisation, comme par exemple avoir séjourné 12 ans en Suisse pour une demande ordinaire. Mais une telle vision serait difficilement défendable pour l’heure. Alors tout en conservant des critères d’intégration, qui soient les plus justes possibles pour apprécier la candidature d’une personne étrangère, la procédure de naturalisation devrait être la même peu importe le lieu de domicile. Il en va de la crédibilité des institutions suisses et du passeport helvétique. Il n’est absolument pas normal qu’ici ou là, un candidat soit refusé pour des réponses qui auraient été acceptées dans la commune voisine.

Lorsqu’il s’agit de défendre une vision totalement arbitraire de ce que doivent être les candidats à la naturalisation, le fédéralisme a bon dos, mais il ne suffit pas à justifier des pratiques aussi loufoques que critiquables. Nous pensons donc que la question doit être posée et étudiée avec tout le sérieux nécessaire, sans prêter le flanc à des arguments émotionnels sur la notion de ce qu’est être Suisse. On peut être très bien intégré et ne pas faire ses courses à la Coop ou à la Migros, tout comme on peut être un très mauvais Suisse tout en étant amateur de lutte suisse ou de hornuss… Il serait donc temps de moderniser un peu la naturalisation, pour lui rendre le lustre qu’elle mérite, et ne pas la laisser en mains de personnes qui voient la Suisse d’une façon si particulière qu’elle semble n’exister que dans leur imagination!

 

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3 réponses sur “Naturalisation: le débat sur les prérogatives des communes est nécessaire”

  1. Je m’appelle Amorim Maria moi je trouve que c’est pas de tout juste ce qu’il faut pour faire le test il faut que je regarde c’est la vie financer déjà un peu le comportement des gens aussi parce que poser des questions il y a quand même 81 % des Suisses que c’est même pas certain de choses des fois qui laisse quand même arrête d’être un peu comme ç

  2. Je habite dans le canton de Neuchâtel, de origine Portugaise j’ai obtenu la nationalité suisse sans avoir à répondre à toutes ces questions aux quelles nous entendons parlé . Bien sûr j’ai du faire preuve de mon antegration dans la société mais par un simple rendez-vous avec des personnes très gentils, sympathiques et humaines Le processus a duré une année et demi. Aujourd’hui je me demande la raison pour la quelle le processus de naturalisation est différent dans les cantons oC9 dans les communes ? ????

  3. L’intégration, qu’est-ce que cela veut dire? Y a-t-il et doit-il y avoir des critères « objectifs » d’intégration? Ne vaut-il pas mieux renforcer la citoyenneté, cet art de se respecter et de vouloir vivre ensemble? Moi, l’intégration, je n’en veux ni ici ni ailleurs, c’est un concept dominateur, bienpensant qui fait plus d’inadaptés que de bon vivants… à méditer sérieusement

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