Star Wars: Battlefront 2: quand les joueurs s’opposent à un modèle économique agressif

Le modèle économique de Star Wars: Battlefront II pose des questions fondamentales quant à l'avenir des jeux vidéo.
Grégoire Barbey

Les fans de Star Wars l’attendait avec impatience. Le deuxième opus de la célèbre licence Star Wars Battlefront (parue pour la première fois en 2004 sur PS2, Xbox et PC sort ce vendredi 17 novembre, moins d’un mois avant le lancement de l’épisode VIII «The Last Jedi» au cinéma. Mais la sortie de ce jeu édité par Electronic Arts (EA) et DICE est avant tout l’objet d’une vaste polémique dans le milieu du gaming. En cause? Son modèle économique.

Payant à l’achat (entre 60 et 70 francs en Suisse pour la version Pé, Star Wars: Battlefront 2 propose à ses joueurs les plus pressés la possibilité d’acquérir des «loot boxes» contre de l’argent réel, soit des coffres dont le contenu est aléatoire et permet d’obtenir des améliorations qui influenceront sur la progression du joueur.

Remettons les choses dans leur contexte pour bien saisir la raison d’une telle polémique. Depuis de nombreuses années, les leaders du marché du jeu vidéo cherche de nouveaux moyens pour obtenir des rentrées d’argent en plus de la vente du jeu en tant que tel. Le modèle le plus répandu aujourd’hui s’avère être le «season pass», soit un accès payant (dont le prix varie en fonction du jeu de 20 à 50 francs) garantissant l’accès à tout le contenu qui sera implémenté par le studio tout au long de l’année.

Ce modèle en tant que tel suscite lui aussi de vastes controverses dans la communauté des joueurs. Certains reprochent aux studios de sortir des jeux qui ne sont pas complètement terminés afin de forcer celles et ceux qui veulent bénéficier d’un véritable contenu à acquérir le fameux sésame payant. En parallèle, il y a les fameux «free to play», des jeux qui sont gratuits mais dont le modèle économique se base sur des microtransactions qui permettent aux joueurs de bénéficier d’améliorations visuelles (le plus souvent), voire de bonus qui les rendront mieux outillés dans leur aventure.

Les free to play sont plus ou moins gratuits. Certains, comme le jeu de cartes Hearthstone de Blizzard basé sur son célèbre univers Warcraft, laissent peu de place à une gratuité totale. En effet, Blizzard propose chaque année deux extensions, lesquelles introduisent de nouvelles cartes qui modifient complètement le système de jeu. S’il est possible de ne pas dépenser un seul franc pour y jouer, rares sont ceux qui ne succombent pas à l’envie d’obtenir rapidement les dernières cartes. Car oui, il existe une monnaie virtuelle, acquise en jeu, qui permet d’obtenir des paquets de cartes gratuitement. Mais cela nécessite beaucoup d’investissement et certains joueurs préfèrent dépenser leur argent pour éviter cette phase de «farming».

Reste que les modèles économiques des free to play sont plus défendables, puisqu’à la base, le jeu est accessible à tous et personne n’est a priori contraint à dépenser son argent, même si toute l’approche du développeur sera d’inciter le joueur à faire ce choix de lui-même… En ce qui concerne Star Wars: Battlefront 2, la situation est très différente. EA, dont le QG international est basé à la place du Molard à Genève, a tenté de faire avaler la pilule aux joueurs en leur garantissant qu’il n’y aurait pas de «season pass» et que tous les contenus futurs seront accessibles gratuitement.

Malheureusement pour le studio, cette communication n’a pas convaincu grand monde. La stratégie d’EA mélange un jeu payant à l’achat et des microtransactions qui influencent la progression du joueur dans un jeu en ligne compétitif (Star Wars: Battlefront 2 est un jeu de tir à la première personne massivement multijoueur).

Les fameuses améliorations peuvent bien sûr s’obtenir en jouant sans dépenser d’argent puisqu’on obtient au fil de son expérience une monnaie virtuelle permettant l’acquisition de ces fameuses lootboxes. Cependant, il faudra beaucoup de patience à ceux qui ne veulent pas payer davantage pour débloquer toutes ces améliorations. Il faut y jouer environ quarante heures (ou dépenser pour environ 200 dollars de coffres aléatoires) pour accéder à certains des personnages en jeu les plus puissants.

Selon le site Star Wars Gaming, il faudrait jouer 4’528 heures ou dépenser 2100 dollars pour avoir accès à l’intégralité du contenu du jeu.

EA a fait rapidement machine arrière et a divisé par quatre le coût de ces personnages. Le studio a également annoncé qu’il étudierait la progression des joueurs pour y apporter d’éventuels correctifs. Toutefois, la polémique est telle que la Belgique et les Pays-Bas ont décidé d’ouvrir une enquête pour déterminer si ce modèle économique était comparable à un jeu de hasard. Si tel est le cas, une autorisation aurait dû être demandée. Si les enquêtes devaient arriver à la conclusion que ce modèle est comparable à un jeu de hasard, le studio pourrait se voir infliger une amende de plusieurs centaines de milliers d’euros, voire une interdiction de vente.

Cette polémique démontre surtout que le milieu du jeu vidéo est en proie à d’importants bouleversements économiques, notamment parce que des studios avides tentent de maximiser les profits. C’est aussi la preuve que la communauté des joueurs a un poids non négligeable lorsqu’elle manifeste d’une même voix son mécontentement face aux modèles économiques déployés par les studios. L’épilogue de cette affaire n’est pas encore connu, mais gageons que la concurrence y réfléchira à deux fois désormais avant de proposer un modèle économique aussi agressif.

[Mise à jour vendredi 17 novembre]: Electronic Arts a annoncé le retrait de ses microtransactions face à la pression des joueurs.

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