Turquie: Didier Burkhalter aussi mou qu’un loukoum

La réaction du conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères n'est pas très ferme.
Grégoire Barbey

L’ambassadeur de Turquie en Suisse a mis vendredi en garde ses compatriotes qui résident sur le territoire helvétique: s’ils sont soupçonnés d’être des sympathisants de Fethullah Gülen, le principal opposant du président turc Recep Tayyip Erdogan, ils feront l’objet de poursuites judiciaires. Pour l’heure, ni le Conseil fédéral, ni le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter n’ont réagi à ces menaces qui touchent des individus vivant sur le sol suisse.

La situation en Turquie après le coup d’Etat avorté est délicate. Plus de 10’000 personnes (militaires, juges, magistrats, et potentiellement des enseignants et autres membres de la société civile) ont été arrêtées. En ajoutant les licenciements et les suspensions au sein de l’Etat, ce sont plus de 50’000 Turcs qui sont victimes de la purge entreprise par le président turc.

Les menaces de l’ambassade de Turquie en Suisse sont bien évidemment symboliques: si la justice turque veut poursuivre l’un de ses ressortissants vivant dans notre pays, elle devra effectuer une demande d’entraide judiciaire auprès de la Confédération et il est heureusement peu probable que celle-ci donne suite à des requêtes s’appuyant sur des motifs politiques.

Mais cela ne justifie pas pour autant le mutisme du Conseil fédéral, et moins encore celui de Didier Burkhalter. Si ces menaces ne sont que virtuelles, elles ne sont pas proférées au hasard: la Suisse compte une importante diaspora turque parmi ses habitants: plus de 100’000 membres. Les Turcs qui sont directement visés par ces déclarations se savent sans doute à l’abri de telles poursuites judiciaires en Suisse.

Qu’en est-il toutefois de leurs familles? La purge qui a actuellement lieu en Turquie est d’une ampleur inédite et s’avère des plus inquiétantes. Le président turc a déclaré l’état d’urgence, lequel a été renforcé par un décret permettant de détenir jusqu’à 30 jours (contre 4 jours auparavant) de potentiels opposants sans qu’ils ne fassent l’objet d’aucune charge. Evidemment, les conditions de détention demeurent inconnues. L’ambassade de Turquie en Suisse avait donc avant tout pour objectif de rappeler à ses ressortissants qu’ils ne sont à l’abri nulle part.

Il est dès lors totalement incompréhensible qu’aucune déclaration à ce jour n’ait été faite par le Conseil fédéral sur le sujet. Comment peut-on laisser un gouvernement étranger menacer pour des raisons purement politiques des personnes vivant sous la protection de la Confédération? La mollesse de Didier Burkhalter sur ce dossier semble se confirmer jour après jour. Il était moins timide lors de son année à la présidence de la Confédération et s’était fortement impliqué dans le dossier ukrainien.

Jusqu’ici, le Conseil fédéral s’est contenté de soutenir le gouvernement élu en Turquie tout en appelant à une réaction mesurée contre les putschistes. S’alignant ainsi sur l’Union européenne et les Etats-Unis, qui ont depuis condamné l’attitude de Recep Tayyip Erdogan. Alors que le président turc tente de mettre la pression à ses compatriotes vivant en Suisse, le Conseil fédéral s’abstient de tout commentaire.

Il y a vraiment de quoi s’indigner. Ce qui se passe en Turquie se passe aux portes de l’Europe. Didier Burkhalter a-t-il avalé un loukoum de travers?

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