Pierre Maudet écarté, mais pour combien de temps?

Les Genevoises et les Genevois ont élu l'écologiste Fabienne Fischer lors de l'élection complémentaire au gouvernement. L'ancienne figure de proue du Parti libéral-radical n'a sans doute pas dit son dernier mot.
Grégoire Barbey

C’est un chapitre douloureux de l’histoire politique genevoise qui se clôt. Les Genevoises et les Genevois ont préféré élire l’écologiste Fabienne Fischer au Conseil d’Etat ce dimanche 28 mars plutôt que de maintenir le controversé ministre Pierre Maudet au sein du gouvernement. Le résultat est clair, plusieurs milliers de voix séparent les deux candidats. Si Pierre Maudet a raté son pari d’en appeler au peuple, il obtient malgré tout un tiers des voix. Il est donc peu probable qu’avec un tel score, l’intéressé se retire de la vie politique. Il a d’ailleurs annoncé son intention de continuer son engagement sous une forme qui reste à définir. Dans sa volonté de se maintenir au pouvoir, il y a fort à parier que Pierre Maudet initie désormais une stratégie de reconquête d’ici aux prochaines élections générales qui auront lieu en 2023.

Genève n’a peut-être pas fini d’entendre parler de Pierre Maudet. Mais cette perspective n’est pas une fatalité. Deux ans, en politique, c’est une éternité. Il peut se passer bien des choses durant ce laps de temps. Pronostiquer le retour de Pierre Maudet relève donc d’un exercice périlleux. Tout va dépendre de la façon dont son ancienne formation politique, le Parti libéral-radical, se relèvera de ce divorce qui lui a coûté beaucoup.

Parce qu’en s’accrochant désespérément au pouvoir, Pierre Maudet ne s’est pas mis seul dans l’embarras. Il laisse derrière lui un véritable champ de ruines. Son refus de se retirer pour s’occuper des volets judiciaires de son affaire a coûté cher à la droite genevoise, mais aussi au Conseil d’Etat, qui a dû composer avec un ministre en pleine tourmente qui n’a pas hésité à fouler aux pieds la collégialité dans son seul intérêt.

La victoire de la gauche est amère. Elle n’est possible que parce que Pierre Maudet n’a pas souhaité prendre acte qu’il devait, au moins provisoirement, se retirer des affaires. Il a divisé les partisans de la droite et du centre-droit, et il a cristallisé l’attention, ne permettant même pas à une autre personnalité de son camp idéologique de pouvoir se profiler comme successeur crédible. L’obsession de Pierre Maudet pour le pouvoir coûte cher à la politique genevoise, et il faut quand même s’étonner de la manière dont il a pu assumer cette prise d’otage des institutions dans le seul but de se maintenir aux affaires. Il a renié ses propres valeurs, mis en péril la collégialité qu’il prétendait jusqu’ici défendre, pour se donner des airs de victime. Pour un ministre qui a toujours prôné la responsabilité, cette fâcheuse tendance à jouer la partition de l’irresponsabilité laisse perplexe.

Pierre Maudet n’a probablement pas dit son dernier mot. Il faut juste espérer que ce retrait des affaires gouvernementales ne se transformera pas en un retour sur la scène parlementaire, avec la création d’un parti qui jouerait dès 2023 au Grand Conseil le rôle occupé pendant plusieurs années par le Mouvement citoyen genevois. Pierre Maudet a démontré qu’il était prêt à tout, quitte à déstabiliser les institutions, pour reconquérir sa légitimité à régner. Il ne serait guère surprenant qu’il crée une force d’opposition pour gripper un peu plus la machine politique, et pour profiter des divisions ainsi créées.

Dans son intérêt, il serait peut-être plus judicieux de se retirer complètement des affaires, prendre du recul, et revenir en prétextant avoir appris de ses erreurs passées. La chronique politique française regorge d’exemples de personnalités qui ont joué la carte de la rédemption avec un certain succès. Mais pour qu’une telle stratégie soit viable, encore faut-il accepter de s’effacer des esprits. Pierre Maudet est-il capable de vivre sans faire parler de lui? Seul l’avenir le dira.

Pour l’heure, le canton de Genève obtient un peu de répit. Cette affaire a duré trois longues années. Il est temps pour la politique locale de revenir aux questions de fond qui préoccupent la population plutôt que de se focaliser sur le destin d’un seul homme.

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