Lettre ouverte à Fernand Melgar

Les propos Facebook du conseiller national Benoît Genecand sur le deal de rue à Genève ont été qualifiés de «clairement xénophobes» par l'artiste Fernand Melgar. L'élu lui répond dans une lettre.

Le  1er octobre Fernand Melgar a réagi à mon post Facebook sur le deal de rue. Il a qualifié mes propos de clairement xénophobes. Il voit une différence fondamentale entre sa manière d’attaquer la question et la mienne. Lui n’a jamais «stigmatisé la communauté noire». Il faut comprendre: Benoit Genecand, dans son post FB, stigmatise la communauté noire.

Il me semble important et intéressant de s’arrêter quelques minutes sur cette affirmation. Pas pour savoir si oui ou non j’ai stigmatisé la «communauté noire» mais pour essayer de comprendre ce que recouvre cette notion. Communauté noire: késako?

Dans mon approche, l’adjectif «noir» est utilisé dans une description. Je dis que les dealers (le groupe décrit) sont des hommes, jeunes et noirs. Il s’agit d’une description factuelle de la situation dans mon quartier. Ces jeunes forment-ils communauté au sens melgarien? Peut-être, mais seulement dans une acception recouvrant leur activité illicite. Ils font communauté dans leur approche du deal, leur maîtrise d’un territoire et d’une clientèle. Ils déploient en commun des efforts d’organisation pour maximiser le profit de cette activité. En ce sens ils forment certainement un groupe et peut-être une communauté.

Mais cela n’est pas une communauté noire.

Communauté noire ne peut avoir que la signification suivante: les personnes de couleur noire partagent entre elles des attributs, préférences, traits de caractères etc. qui les distinguent des personnes d’une autre couleur. Et ceci au-delà de l’affirmation tautologique et descriptive qui est la mienne et qui consiste à dire qu’elles partagent une couleur de peau. Pour faire communauté, il faut plus que la similitude des pigments. Il faut quelques traits qui permettraient d’identifier ce groupe indépendamment de la couleur.

Si on admet ce postulat, que des traits distinctifs réunissent les gens d’une même couleur, alors on admet la notion de race. Communauté noire étant la version moderne et lyophilisée de race noire.

Je crois, pour ma part, que ni l’une ni l’autre n’existe. Que la notion de race est vide, creuse, insignifiante. Qu’elle a notoirement été créé sur des bases pseudo-scientifiques par les Européens pour justifier leur entreprise de colonisation. Qu’elle a été ensuite récupérée par les Nazis dans le délire meurtrier que l’on sait.

En réalité, on ne fait jamais le tour des gens, l’autre est un mystère. Et penser que vous savez quelque chose d’une personne parce que vous avez vu la couleur de sa peau, c’est succomber à la tentation du similaire, c’est confondre la surface et le fond. D’une personne noire vous savez juste cela: elle est noire! De même pour une personne blanche, jaune, rouge ou toute autre couleur que revêtent les Sapiens.

Il y a une communauté humaine au sens où nous sommes tous des Sapiens. Il n’y a pas de sous-communauté qui suivrait les nuances de couleur des peaux.

Il n’y a pas de race noire, Fernand Melgar. Pas de communauté noire. Pas de groupe que vous pourriez considérer de l’extérieur. Même si vous l’avez mentalement construit dans un but protecteur.

Si on veut tracer une sous-communauté, le seul critère opérant est la proximité. Il y a une communauté parce que vous partagez un lieu. Que vous organisez la vie en commun. Que vous faite Cité pour dire comme les anciens. Et appartiennent à cette communauté au sens moderne, toutes celles et tous ceux qui sont là au même endroit, quelle que soit la couleur de leur peau, quelle que soit leur parcours, leur histoire, leur provenance.

En ce sens, le groupe des dealers de mon quartier fait partie de la communauté.

Cette communauté enveloppe et oblige. Cette communauté vous force à accepter certaines règles. Ces règles qui permettent de vivre ensemble. Par leur comportement, les dealers défient cette communauté. Leur communauté du moment. Ils provoquent le rejet dont ils sont l’objet.

Deux risques menacent les communautés spatiales: une dislocation par création de sous-groupes, le communautarisme; une dissolution par la transformation du lieu d’habitation en lieu de passage. Par la perte de tout ancrage.

Le communautarisme revendique de définir ses propres règles de vie selon des lignes de fracture ethnique, religieuse ou autres. Il veut dominer un espace propre à l’intérieur de l’espace commun. Il fragilise la communauté locale en la vidant de l’intérieur.

La disparition de la frontière est l’autre risque. Sans frontière ni ancrage, chacun peut sans limite, de manière totalement individuelle, se déplacer dans l’espace et s’additionner à la communauté de son choix. Celle-ci se dissout alors dans la confusion : n’ayant plus de limites, elle n’a plus de forme ni d’existence.

C’est le risque que je vois avec la libre circulation des personnes.

Mais c’est une autre histoire et cette lettre est assez longue déjà.

Merci pour l’occasion de cette réflexion, Fernand Melgar.

Benoît Genecand
Conseiller national libéral-radical genevois

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4 réponses sur “Lettre ouverte à Fernand Melgar”

  1. Mais alors Monsieur Genecand.. les dealers de rue qui ne sont pas noirs.. qui sont pour certains Suisses.. pour d’autres même « Fils à papa » comme on dit.. ces dealers là.. vous les affublez de quelle étiquette? Ont-ils le droit à plus de respect de votre part, je le crois puisqu’ils existent et que vous n’en parlez pas, peut-être même vous en connaissez personnellement.. le fils de..

    Bref.. les dealers de rue qui sont de « bons » citoyens Suisses.. vous les qualifiez de?

  2. Melgar a raison, mon ami.Comme Martine Brunschwig Graf, qui t’as aussi critiqué.
    Tu ne peux pas parler de communauté des dealers centrafricains , rappeler que tous ces hommes sont noirs comme l’est l’unique femme que tu vois agir avec eux et prétendre que ton propos n’est pas discriminatoire! Je connais et apprécie ton goût pour la provoc » et ton refus du politiquement correct. Mais là, tut’es fourvoyé. Qui que soient les dealers, et quelle que soit leur communauté s’ils en ont une . Amitiés néanmoins. Horace

  3. Je suis d’accord sur votre analyse théorique, sauf que… je n’ai jamais dit ça! J’ai déclaré sur Radio Lac que vos propos était xénophobes et stigmatisants en parlant de la communauté centre africaine ou de ceux qui fréquentent le marché de Lagos. IJ’ai également dit que votre post était misogyne et discriminatoire lorsque vous précisez qu’une femme est « Noire elle-aussi, pas très jolie, […] ». Même si nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut lutter contre le fléau du deal de rue, il n’y a pas besoin d’utiliser de tels propos. Au plaisir d’en parler de vive voix avec vous autour d’un café.

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