Secret médical: le dangereux désirs des politiques

La volonté de brader le secret médical pour des raisons sécuritaires est un dangereux pari qui ne saurait être acceptable.
Grégoire Barbey

Nous assistons à des changements majeurs en politique. En tous les cas à Genève et maintenant en Valais. Je découvre en effet qu’Oskar Freysinger est favorable à la levée du secret médical pour les criminels très dangereux. Le milieu de la santé s’oppose déjà vertement à cette proposition.

A Genève, à la suite de la tragique affaire ayant conduit au meurtre d’une thérapeute du centre la Pâquerette, les politiciens ont réagi de la façon la plus simple pour éviter de remettre en cause l’Etat: il faut lever le secret médical dans le milieu pénitentiaire! Cette évolution, qui n’est pas encore marquée du sceau de la loi, doit être prise très au sérieux. Comme dans beaucoup d’autres domaines juridiques, où l’on constate parfois une inversion du fardeau de la preuve, voire une condamnation publique avant jugement (notamment au travers de fuites orchestrées dans les médias), cette menace de voir le secret médical retiré aux criminels est réelle. Loin de sombrer dans la protection des individus qui ont attenté d’une manière ou d’une autre à la sécurité publique, voire à l’intégrité d’autrui, il est important de s’inquiéter et de s’émouvoir de ces changements.

S’il y a des protections de ce type – les secrets professionnels –, ce n’est pas pour embêter les politiques et encore moins rendre la vie plus dure aux magistrats qui exercent le rôle de la justice, mais bien pour éviter des dérapages. Il est difficile d’établir objectivement quel individu fait partie du «bon côté» des délinquants, et quel autre doit être considéré comme dangereux. Les signaux ne sont pas toujours évidents, et établir des différentes sortes de citoyens, même ayant été condamnés par la justice, en leur retirant des droits fondamentaux, c’est aborder une pente glissante.

C’est inquiétant, cette tendance à vouloir supprimer tous les remparts de la protection des individus. Le Valais et Genève, si le secret médical est aboli pour les criminels dangereux, instaureront-ils des lignes budgétaires pour ces individus, afin qu’ils puissent consulter leur médecin en présence d’un avocat commis d’office s’ils n’ont pas les moyens d’en avoir un? Car oui, comment un criminel pourra se sentir en confiance et suivre des traitements s’il ne sait pas à qui il a affaire? Un agent de la sécurité de l’Etat, ou un médecin ayant fait le serment d’Hippocrate (et non d’hypocrisie)?

Toutes ces questions méritent bien un véritable débat. Un débat intense, un débat majeur. Nous nous orientons sur des chemins obscurs, des voies qui ne sont pas balisées et qui, à terme, pourraient occasionner des accidents considérables. Veillons à rester vigilant face aux désirs de plein pouvoir qui agitent certains de nos élus.

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