Mon expérience du vaccin contre le coronavirus

Le vaccin est le grand sujet de conversation du moment. Comment se déroule la vaccination à Genève? Témoignage.
Grégoire Barbey

Le vaccin contre le coronavirus est sans doute l’un des sujets les plus en vogue en ce moment. Et c’est bien compréhensible, puisque la vaccination est présentée comme l’un des principaux moyens d’accélérer la sortie de cette crise sanitaire qui réduit nos libertés depuis déjà un an.

En Suisse, c’est un peu plus de 3% de la population qui a désormais reçu deux doses de vaccin. Principalement les personnes âgées de plus de 75 ans, mais aussi celles et ceux de moins de 75 ans qui ont des maladies ou des traitements qui les rendent plus vulnérables face au coronavirus. Les personnes qui ont été vaccinées sont donc une toute petite minorité, et la vaccination contre le coronavirus reste pour beaucoup de gens quelque chose d’un peu flou.

Face à ce constat, j’ai décidé de partager mon expérience. Car oui, malgré mon jeune âge, j’ai déjà eu le privilège de recevoir les deux doses du vaccin contre le covid-19.

Atteint d’une maladie chronique inflammatoire qui nécessite des injections d’un médicament qui a des effets sur mon immunité, mes médecins m’ont fortement recommandé la vaccination. Lors des premiers mois de la pandémie et face à la perspective d’un vaccin qui arriverait le plus vite possible sur le marché, je faisais partie des sceptiques. Aurons-nous assez de recul sur les effets du vaccin? Est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle? J’étais plutôt parti dans l’idée de ne pas me précipiter et d’attendre. Et puis les vaccins ont été annoncés, beaucoup plus tôt que prévu. Les autorités de régulation ont analysé puis autorisé les vaccins des laboratoires Pfizer/BioNTech et Moderna en Suisse.

Cette autorisation de mise sur le marché s’est accompagnée d’une campagne d’information sur le fonctionnement de ces vaccins innovants, dits à «ARN messager». J’ai beaucoup lu sur le sujet, j’en ai discuté avec des proches qui sont dans le domaine de la santé. Et cela m’a convaincu. Lorsque le canton de Genève a ouvert son site pour sa campagne de vaccination, je me suis inscrit, j’ai répondu au questionnaire du formulaire et je me suis dit qu’avec un peu de chance, je serais vacciné à l’été.

Ayant eu de nombreux amis, jeunes et en bonne santé, qui ont attrapé le coronavirus et en ont gardé des séquelles plus ou moins désagréables, ainsi que des proches qui en sont décédés, je dois dire que la perspective d’attraper ce virus ne me réjouissait plus vraiment. Au départ, un peu comme tout le monde j’imagine, je n’étais pas du tout inquiet à l’idée de le contracter. Si je faisais particulièrement attention à ne pas être infecté, c’était avant tout pour mes proches qui sont plus vulnérables. Avec le recul, la perspective d’un vaccin qui peut limiter les symptômes m’a semblé être un bon compromis. Féru de sport, je n’ai guère envie de me retrouver dans l’incapacité de pratiquer cette activité que j’aime tant pendant des mois parce qu’une infection au coronavirus peut s’accompagner de symptômes persistants. Bref, sceptique au départ, j’ai finalement abordé la vaccination avec un intérêt renouvelé. Ce d’autant plus que comme beaucoup de monde, les restrictions de liberté me pèsent, et je suis donc d’autant plus prêt à faire ma part si cela peut accélérer la sortie de crise.

Fin janvier, contre toute attente, j’ai reçu un SMS m’indiquant mes deux rendez-vous pour la vaccination, le 5 février et le 5 mars. Je n’y croyais pas trop, parce qu’il me semblait que seules les personnes de plus de 75 ans étaient éligibles à Genève à ce moment-là. J’ai 30 ans… Un article de la Tribune de Genève expliquant qu’il s’agissait d’une décision de l’Office fédéral de la santé publique, en opposition à la stratégie genevoise, m’a permis de comprendre que je faisais partie des 2000 personnes qui ont reçu un rendez-vous alors qu’elles n’auraient pas dû être concernées si vite. En découvrant cette information, j’ai contacté les autorités pour leur signaler que je faisais partie des gens qui ont reçu ce SMS. J’ai proposé de donner mon rendez-vous à quelqu’un de plus vulnérable, parce que je ne souhaitais pas prendre la place d’une personne qui pourrait en avoir davantage besoin. On m’a dit qu’il me fallait conserver le rendez-vous.

Le 5 février, je me suis donc rendu à la Clinique des Grangettes pour la première injection. Un jeune de la protection civile s’occupait d’accueillir les patients. Prise de température, quelques questions sur mon état de santé actuel, puis on m’indique un siège et une personne derrière un bureau chargé de l’aspect administratif du processus. On ne m’a pas demandé de montrer le SMS, et je ne sais même pas si quelqu’un a vérifié que j’avais bien été sélectionné. J’avais un document de mon médecin traitant expliquant mon traitement et pourquoi la vaccination était indiquée dans mon cas, mais on m’a dit que ce n’était pas nécessaire. A 14h, alors que j’avais rendez-vous à 14h15, j’étais déjà dans un box, prêt à recevoir la fameuse injection.

On m’a d’abord fait remplir un questionnaire, me demandant notamment si j’étais consentant à la vaccination. Un autre point, tout aussi important, me demandait si je consentais à ce que mon attestation de vaccination soit envoyée à MyCovidVac.ch. Compte tenu de mon engagement pour la protection des données personnelles, j’ai refusé ce point. Quelques minutes plus tard, une infirmière m’a administré la dose, et m’a fait patienter 15 minutes pour vérifier qu’aucune réaction allergique ne survienne. Pour celles et ceux qui détestent les aiguilles, je ne l’ai personnellement même pas sentie. La piqûre est faite dans l’épaule.

Les deux jours qui ont suivi la première injection, je me suis senti un peu fatigué, et j’ai surtout eu des courbatures sur le site d’injection. Bref, rien à signaler de ce côté-là, tout s’est bien passé.

Un mois plus tard, me voilà de retour pour la deuxième dose. On me redemande si je suis consentant à la vaccination, puis on me tend une feuille et là je découvre qu’une croix remplie à l’ordinateur indique que je suis d’accord de partager mes données de vaccination à MyCovidVac.ch. Je signale cette erreur, et on m’affirme que la croix a été mise en fonction de ma réponse lors de la première dose. On me dit de signaler à la personne qui me fournira l’attestation de vaccination que je ne suis pas d’accord pour qu’elle fasse le correctif. Mais on me rend aussi attentif au risque que je prends en refusant: si un passeport vaccinal devait voir le jour, je ne pourrais peut-être pas en bénéficier si j’ai refusé le partage de cette information…

Je retourne dans le box, une infirmière m’administre la deuxième dose et me prévient que celle-ci peut engendrer des symptômes plus forts que lors de la première injection, et notamment de la fièvre. Cette fois-ci, la surveillance se limite à 5 minutes. Au moment d’obtenir mon attestation de vaccination, je signale mon opposition au partage de cette information. Trop tard, me répond l’employée, l’information a déjà été envoyée puisque le formulaire précisait que j’étais consentant. J’ai contacté la pharmacienne cantonale pour lui signaler la situation, et elle m’a répondu qu’elle avait demandé que mon refus soit pris en compte. Elle m’a également affirmé que c’était une erreur humaine et que j’étais un cas isolé. Je l’espère, car sinon, cela remet en cause la validité des consentements recueillis jusqu’ici.

Concernant les symptômes de la deuxième dose, j’ai surtout ressenti une intense fatigue le lendemain, avec une sensation d’état pseudo-grippal. Pas de fièvre, quelques légers maux de tête et des nausées par moment. Au moment d’écrire ces lignes, cela fait un peu moins de 48 heures que j’ai reçu la deuxième dose, et je me sens déjà beaucoup mieux. Une courbature sur le site d’injection me fait un peu mal, mais sinon la fatigue semble déjà dissipée et les autres symptômes également.

D’ici une dizaine de jours, le vaccin devrait logiquement déployer ses effets optimaux et en cas de contamination, mon corps devrait être en mesure d’éliminer rapidement l’intrus. J’ai de la chance d’être déjà vacciné, je m’en rends bien compte. De nombreuses questions restent toutefois en suspens, et il faudra se montrer patient pour avoir des réponses. Combien de temps durera cette immunité vaccinale? Suffira-t-elle à me protéger contre les variants dont on entend tant parler? Est-ce que si je suis en contact avec une personne infectée, il me faudra effectuer un test PCR et m’isoler de la même manière qu’auparavant? Est-ce que je suis concerné par les campagnes de tests de masse malgré la vaccination?

La situation n’est pas très claire, et c’est dommage. En même temps, contrairement à beaucoup d’autres personnes qui critiquent la lenteur de la campagne de vaccination en Suisse, je dois dire que je suis pour ma part assez admiratif de l’efficacité logistique à laquelle j’ai été confronté. Si j’omets ce couac concernant mon consentement au partage des données de vaccination, tout s’est bien passé et tout a été fait au mieux pour me faciliter la vie. Est-ce qu’on aurait pu faire mieux au niveau politique pour recevoir plus de doses et les administrer encore plus vite? Peut-être. Mais en tout cas, pour l’avoir vécu de l’intérieur, la mécanique est déjà bien rodée et cela fonctionne. Il n’y a plus qu’à espérer que les millions de doses promises par les entreprises pharmaceutiques arriveront en temps et en heure et qu’une proportion suffisamment importante de la population consentira à se faire vacciner.

Bien que j’ai le privilège d’être déjà vacciné et que de nombreuses activités me manquent, je reste malgré tout opposé à la perspective d’un passeport vaccinal interne à la Suisse. Qu’une vaccination soit imposée pour les vols entre pays, ça se pratique déjà. Mais qu’on refuse l’accès à des activités dans notre pays à ses habitants qui ne sont pas vaccinés, je n’y suis pas favorable, surtout si la Confédération a décidé de ne pas rendre la vaccination obligatoire. J’y reviendrai ultérieurement dans un autre article, parce qu’une telle «solution» poserait de toute façon des questions fondamentales en matière de protection des données.

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