Lettre à la jeunesse de Suisse

Il est temps de te réveiller, de sortir de cette léthargie dans laquelle les mesures sanitaires t'ont plongée.
Grégoire Barbey

Jeunesse de Suisse, il est temps de te réveiller. De sortir de ta torpeur, de cette léthargie dans laquelle les restrictions sanitaires t’ont plongée depuis plus d’une année.

Tu as pris sur toi pendant de longs mois. Tu as accepté les contraintes pour protéger tes aînés et les personnes vulnérables contre le coronavirus. Tu as expérimenté la solitude de l’enseignement à distance, dans une société toujours plus numérique, et tu as compris combien les liens sociaux sont le sel de l’humaine condition. Aucun réseau, aucune connexion internet ne peut simuler et moins encore remplacer l’absence de contacts physiques, des discussions les yeux dans les yeux, la chaleur d’une présence, le réconfort d’une tape amicale sur l’épaule, les effusions de joie au milieu d’une boîte de nuit, les rires à gorge déployée autour d’une table d’un bar estudiantin le samedi soir. Mais tout ça, c’est loin, si loin. Trop loin.

Jeunesse de Suisse, es-tu en train de faner? As-tu perdu ta soif de libertés, ton désir de vivre pleinement tes jeunes années, de mener à bien tes projets? Tu es solidaire, jeunesse de Suisse, parce que c’est ce que la société attend de toi dans cette terrible épreuve. Mais n’as-tu pas le droit, sinon le devoir, de demander des comptes à celles et ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et nous ont gouverné hier, concernant leurs responsabilités dans cette triste pandémie? Toi qui as grandi en sachant le climat menacé, avec pour seule boussole un avenir toujours plus incertain, n’as-tu donc aucune envie d’exiger que les décisions d’aujourd’hui prennent largement en compte tes intérêts de demain?

N’est-ce pas toi qui payeras le plus lourd tribut de cette crise sanitaire? Tu porteras le fardeau des dettes publiques, les stigmates d’études contrariées par la pandémie, les conséquences psychologiques des assignations à résidence répétées, tu seras victime des changements climatiques, et tu garderas dans ton cœur les souvenirs douloureux de ces moments où la société s’est arrêtée malgré toi, où les sourires de tes amis et de tes proches ont laissé place à la froideur des visages masqués.

Tu ne le sais peut-être pas encore, mais une bonne partie de ta vie sera marquée par les retentissements de la pandémie. N’es-tu pas fatiguée, jeunesse de Suisse, d’être sans cesse reléguée dans l’arrière-salle des discussions? N’est-ce pas à toi de prendre en main ton destin et d’exiger d’avoir voix au chapitre?

Rien n’est jamais écrit à l’avance, mais le prix de ton renoncement serait bien trop élevé. Si l’envie te prend d’enfin te soulever contre ces décisions prises sans te consulter, tu peux bien sûr descendre dans la rue et manifester. Tu le fais déjà. Mais tu peux aussi te constituer en associations, t’engager pour les causes qui te sont chères, militer pour tes droits et imposer l’agenda à ces élus dont l’âge moyen est très loin du tien.

Jeunesse de Suisse, si tu ne cries pas ton ras-le-bol sur les toits des villes et des campagnes, si tu ne chantes pas ta lassitude dans la rue ou dans les parcs, crois-tu vraiment que les autorités prendront la peine de te considérer? Si tu baisses les bras avant même d’avoir levé les yeux, qui d’autre que toi pourra mener le combat pour ton futur?

Tu étouffes par trop de contraintes, tu suffoques devant toutes ces interdictions, enfermée dans cette prison dorée où les contacts sociaux ne sont plus la norme mais créent la suspicion. Si tu ne peux plus te réunir, si tu ne peux plus te construire, qui donc va bâtir la société de demain? Tu les vois, ces journaux qui parlent de ta détresse psychologique, des inégalités qui se creusent dans ta génération, mais ce sont toujours les mêmes qui s’expriment à ta place, qui s’arrogent le droit de définir ce qu’il te faut pour t’épanouir, qui apportent des réponses à tes problèmes. Et toi, dans tout ça, quels sont tes désirs? Tes rêves, tes espérances, tes joies mais aussi tes peines?

Jeunesse de Suisse, tu as l’énergie et la fougue qui caractérisent ton âge, tu es encore vierge des compromissions de tes aînés. Seule toi peux vraiment défendre tes intérêts. Lève-toi, jeunesse de Suisse, il est temps de t’imposer dans le débat public comme jamais auparavant. Rappelle à tes ainés que tu as hérité des créances qu’ils ont contracté auprès de la planète et que malgré tout tu devras t’en acquitter seule. La pandémie n’en est qu’un avant-goût amer.

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