Nous étions en droit de penser que la politique était avant tout une affaire de courage: le Conseil fédéral en fait toutefois une lecture différente. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a présenté son projet de loi sur l’égalité salariale dans les entreprises. Tous les quatre ans, les structures employant plus de 50 personnes feront l’objet d’un contrôle supervisé par un organe indépendant, mais aucune sanction ne sera prononcée si d’éventuels écarts salariaux sont constatés. Le Conseil fédéral entend miser sur la responsabilité des entreprises.
Pourquoi dès lors créer une législation si celle-ci ne sert qu’à constater d’éventuels manquements au principe de l’égalité salariale, inscrit dans la Constitution il y a trente-six ans et toujours pas appliqué? Cela ressemble à un aveu d’échec, à peine masqué. La configuration politique actuelle des Chambres fédérales ne permet pas de tabler sur une majorité favorable à une loi plus interventionniste, alors plutôt que d’affronter celles et ceux qui s’opposent à des changements en la matière, le Conseil fédéral admet sa défaite sans combattre, et propose un projet législatif qui n’a de réellement intéressant que son intitulé.
Le rôle du politique est-il de simplement constater l’existence d’inégalités salariales, et d’en prendre acte sans pouvoir y remédier par d’éventuelles sanctions (ou autres mesures incitatives)? C’est l’impression que donne le Conseil fédéral. Plusieurs points sont critiquables dans cette proposition: les entreprises de moins de 50 employés ne sont pas forcément épargnées par les inégalités salariales, mais elles ne seront pas concernées par les contrôles. Il s’agit pourtant d’une part non négligeable du tissu économique suisse. En outre, l’absence de mesures contraignantes ne permettra pas d’agir contre des employeurs qui trouvent encore des prétextes pour instaurer une différenciation salariale fondée sur le sexe.
Le signal envoyé par le gouvernement est paradoxal. D’une certaine manière, en légiférant sur le sujet, il démontre son souhait de lutter contre les inégalités salariales. Mais cette perspective de contrôles sans conséquence donne l’impression qu’il n’existe pas d’instruments pour lutter contre des discriminations fondées sur le genre. C’est un aveu d’échec: en Suisse, l’économie ne peut être régulée, même lorsqu’elle favorise des inégalités qui ne reposent sur aucune base rationnelle.
En filigrane, le Conseil fédéral fait la démonstration de sa propre impuissance. S’il existe dans l’économie des choix qui sont contraires à l’intérêt général, le politique ne peut, au mieux, qu’imposer des contrôles et constater cette triste réalité. Pour le reste, le dernier mot reviendra toujours à ceux qui ne veulent pas se montrer responsables. C’est bien dommage, et ç ne règle clairement pas le problème.
Une réponse sur “Egalité salariale: la couardise du Conseil fédéral”
Une défaite pour l’égalité salariale, c’est certain. Une défaite pour le conseil fédéralB ?
Je crois que le dit conseil est en résonance avec que ce que vous appelez la configuration politique actuelle des chambres fédérales.
Du coup, ce n’est pas une défaite, cela ressemble plutôt à une victoire, mais comme il faut bien se détaxer de soupçns d’immobilisme et de passivité, on bricole un petit quelque chose qui donne le signal au bon peupleB : « Essayé, pas pu. Mais, promis, on réessaye dans une dizaine d’années ».
Circulez, il n’y a rien à voir…