Congé paternité et JO: l’étrange sens du timing du Conseil fédéral

Donner un milliard pour organiser des Jeux olympiques à Sion et ne pas soutenir une mesure moderne, celle d'un congé parental, voilà bien une symbolique si propre à ce Conseil fédéral incapable de vision.
Grégoire Barbey

Le Conseil fédéral annonce le même jour son rejet de l’initiative populaire visant à introduire un congé paternité de quatre semaines sans soutenir l’un des trois contre-projets proposant une alternative et sa décision de soutenir à hauteur de près d’un milliard de francs les Jeux olympiques de Sion. J’ai lu ici et là qu’il ne fallait pas faire de lien entre ces deux sujets.

Ce sont évidemment deux objets différents qui n’ont rien à voir. Mais le discours du Conseil fédéral les lie malgré eux: d’un côté, le congé paternité est jugé trop onéreux, de l’autre, la Confédération est prête à s’engager financièrement dans des jeux dont nous ne savons pour l’heure pas grand-chose.

En comparaison internationale, la Suisse fait pâle figure. Tous les pays voisins connaissent des congés parentaux ou de paternité, ayant chacun leurs spécificités. L’Allemagne, considérée comme la locomotive économique de l’Union européenne, permet aux parents de prendre un congé parental d’éducation non rémunéré pouvant aller jusqu’à trois ans. Durant cette période, le licenciement est par principe interdit, sauf circonstances particulières.

De plus, une demande d’allocation de congé parental (Elterngeld) peut être faite si un parent souhaite prendre un congé au cours des 14 premiers mois après la naissance. L’allocation est versée jusqu’à 12 mois si elle ne concerne qu’un seul parent, la durée étant prolongé à 14 mois si les deux parents veulent en bénéficier. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les pays scandinaves proposent des modèles également très attractifs.

De son côté, la Suisse est une fois de plus en retard. Le Conseil fédéral nous offre une photographie assez particulière de ses priorités politiques. Lui qui affirme à chaque occasion son engagement pour l’égalité femme-homme invoque le coût d’un congé parental ou de paternité pour s’y opposer sans soutenir d’alternative. C’est particulièrement incohérent.

Pourtant, l’importance d’un congé parental pour l’évolution sociale de notre société est évidente. A ce jour, ce sont surtout les femmes qui assument les tâches de garde d’enfant. Non seulement, elles sont toujours perçues comme les principales responsables, mais cela a des conséquences sur leurs occupations professionnelles: le taux de temps partiel est très important chez les femmes. De leur côté, les hommes sont toujours considérés comme ayant la responsabilité d’assumer financièrement leur famille, les enfermant dans une vision qui leur proscrit de facto de s’octroyer du temps pour accompagner leur(s) enfant(s) dans ses premières années.

Notre société doit prendre les mesures qui permettent de faire évoluer les mentalités et tendre vers une égalité sociale et pas uniquement en droit. Par son rejet, le Conseil fédéral prouve qu’il n’est pas prêt à assumer les coûts d’une transformation sociale de notre société, ce qui devrait pourtant être une priorité. Dans son rapport de 2013 – dont je recommande la lecture –, il relevait pourtant que les modèles de congés parentaux avec un temps réservé à chaque parent avaient des conséquences sociales positives.

«Il n’y a pas de meilleur placement pour un pays que de mettre du lait dans ses enfants», déclarait à la radio l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill. Le congé parental est un investissement sociétal, dont la seule analyse en termes de coûts témoigne du manque de vision de notre Conseil fédéral. S’il estime que le modèle proposé par l’initiative populaire – financement via l’assurance perte de gains – est trop onéreux pour les entreprises, alors qu’il propose un financement alternatif qui permette d’introduire cette mesure sans attendre encore dix ans!

Pour l’heure, le mélange du rejet du congé de paternité et le milliard envisagé pour les Jeux olympiques ne peut que sonner faux. Le gouvernement préfère dépenser de l’argent pour du pain et des jeux, tout en affirmant de l’autre côté qu’investir pour améliorer notre société est trop onéreux. Avec de tels dirigeants, la Suisse n’est pas prête de sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve sur de nombreux plans.

Mais qu’importe, les huiles de notre pays pourront continuer à se gausser des résultats de notre pays dans les classements d’innovation. Oui, les entreprises innovent, mais la société, elle, est cantonnée à des mentalités de siècles révolus. Pas de quoi se frotter les mains.

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2 réponses sur “Congé paternité et JO: l’étrange sens du timing du Conseil fédéral”

  1. Hmmm, la position du conseil fédéral parait incompréhensible, mais tout dépend du modele appliqué.
    La Suisse n’est pas gérée comme un pays au bénéfice des citoyens, mais comme une entreprise avec des individus productifs ou pas. Alors à quoi bon aider les familles ? Il vaut mieux importer des ouvriers et scientifiques éduqués ailleurs, cela coute moins cher, tout simplement, et les faire partir quand ils ne sont plus « productifs ». En gros.Une famille solidaire et bien portante, ceci constitue une menace pour la dictature administrative avec une certaine apparence de « démocratie » qui est de fait ici une dictature de la majorité, les parties se partageant le gâteau , on ne sait meme pas grâce à qui puisque le financement des parties c’est top secret. Inique paris les pays « démocratiques ».

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