Solidarité avec Pierre Ruetschi et la «Tribune de Genève»

Le débarquement sans égard de Pierre Ruetschi, rédacteur en chef du journal genevois depuis douze ans, démontre une fois de plus tout le mépris de Tamedia à l'égard de ses collaborateurs.
Grégoire Barbey

Tamedia a annoncé mercredi 29 août le départ du rédacteur en chef de la Tribune de Genève, Pierre Ruetschi, après douze ans à exercer cette fonction. Il sera remplacé dès le 31 août par Frédéric Julliard. Si le communiqué de l’éditeur zurichois laisse entendre que Pierre Ruetschi «quitte ses fonctions» de lui-même, rien n’est moins vrai. Il s’agit d’un débarquement express, sans égard pour l’engagement du rédacteur en chef durant de nombreuses années.

Le comble du cynisme, c’est que le président du conseil d’administration de Tamedia, Pietro Supino, le remercie dans un article publié sur le site de la Tribune de Genève. Enumérant ses qualités, il le qualifie d’«engagé, profilé et garant de l’indépendance du titre». Cette indépendance se manifestait y compris dans le dévouement de Pierre Ruetschi à l’égard de ses employés et du journal qu’il dirigeait. A de nombreuses reprises, le rédacteur en chef a fait démonstration de son profond désaccord avec les décisions stratégiques de Tamedia, y compris publiquement. Ses collaborateurs le respectaient d’ailleurs profondément pour ce courage, qui plus est plutôt rare par les temps qui courent.

Si l’auteur de ce billet n’a pas toujours été d’accord avec la ligne éditoriale défendue par Pierre Ruetschi, loin de là, la façon dont il est débarqué est proprement répugnante. On aurait pu se dire qu’après douze ans en tant que rédacteur en chef, il était temps pour lui de tirer sa révérence. Cela aurait impliqué une transition sereine, avec une date annoncée quelques mois à l’avance. Au lieu de cela, Tamedia a préféré la politique du siège éjectable. Il faut croire que Pierre Ruetschi était devenu un problème pour l’éditeur, puisqu’il n’a jamais caché ses réticences face aux suppressions d’emplois régulièrement imposées à son titre, ainsi qu’à la décision de transférer une bonne partie de la rédaction à Lausanne.

Le départ de Pierre Ruetschi n’est rien de moins qu’une nouvelle étape dans la lente destruction de la Tribune de Genève. Le cynisme de Tamedia atteint aujourd’hui son paroxysme. Après avoir sanctionné financièrement les grévistes qui se sont opposés à la disparition de la version print du Matin, voilà que l’éditeur sacrifie dans les coulisses un rédacteur en chef entré en résistance contre sa politique managériale, tout en le félicitant publiquement pour son engagement. Alors même que c’est cet engagement profond qui lui vaut aujourd’hui ce remplacement précipité.

L’Affranchi tient ici à transmettre sa solidarité avec les employés de la Tribune de Genève ainsi qu’à Pierre Ruetschi. Ce nouvel épisode montre que Tamedia ne reculera devant rien pour imposer ses vues, au mépris même des personnes qui œuvrent chaque jour sur le terrain dans l’intérêt des journaux possédés par l’éditeur zurichois. L’avenir de la presse francophone en Suisse n’est décidément pas très réjouissant.

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