Pierre Maudet: la chute d’un météore de la politique

Les aveux teintés d'éléments de langage du ministre à Léman Bleu ne suffiront pas à préserver la sérénité des institutions. Pour l'heure, il doit se résoudre à démissionner.
Grégoire Barbey

Qui l’eût cru? Le fils prodigue du canton de Genève, Pierre Maudet, celui qui a failli devenir en septembre 2017 conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères, dont la campagne avait fait beaucoup parler y compris en Suisse alémanique, est une fois encore au centre des projecteurs. Non pas pour ses qualités, reconnues de tous, mais parce qu’il a commis une faute politique majeure. Une faute qui a précipité un homme qui semblait jusqu’ici peser chacun de ses mots, de ses choix dans un seul but: présider un jour aux destinées de la Suisse. Après avoir menti à tous, les yeux dans les yeux, Pierre Maudet a finalement été contraint à un exercice de contrition devant les caméras de Léman Bleu, face à un Pascal Décaillet qui, tout en étant mesuré, n’a pas hésité à poser des questions qui fâchent.

C’est un Pierre Maudet passablement abattu, bien que toujours énergique et capable d’aligner des éléments de langage (il n’a pas évoqué une seule fois le mot mensonge, préférant dire qu’il avait «caché une partie de la vérité», un euphémisme), qui s’est présenté sur «la chaîne des Genevoises et des Genevois». Il faut dire que le président du Conseil d’Etat avait déjà dû faire face à une conférence de presse délicate, puisque celle-ci a annoncé qu’il était dessaisi de certaines de ses prérogatives, dont celle de représenter le Conseil d’Etat à l’extérieur. Pour l’homme, peu habitué aux échecs, cet instant fatidique devant tant de journalistes captivés par cette triste descente aux enfers a dû représenter une véritable humiliation.

Il n’y a rien de réjouissant dans toute cette histoire. Il n’y a jamais de quoi pavoiser à voir un homme ou une femme échouer, sombrer dans ses propres contradictions, et perdre soudain l’aura si prestigieuse qui était sienne auparavant. Dans le cas de Pierre Maudet, c’est d’autant plus triste que de nombreuses personnes avaient fondé de grands espoirs en lui. Quelque chose s’est cassé, et le Pierre Maudet d’avant est désormais de l’histoire ancienne. La presse, à l’occasion de sa campagne au Conseil fédéral l’an dernier, l’avait qualifié de «météore». Aujourd’hui, devant tant de regards ébahis, le météore qui avait fendu le ciel de sa splendide lumière s’est écrasé sur Terre dans un vacarme assourdissant, faisant trembler le sol à la mesure de sa taille et de sa vitesse. Pierre Maudet, l’archange genevois de la politique, celui qui inspirait le respect, la rigueur et surtout l’exemplarité en toutes choses, a perdu ses ailes et est soudain devenu homme.

Son avenir politique à moyen terme est incertain. Sans préjuger du volet judiciaire, la prestation de Pierre Maudet à Léman Bleu a déjà eu des conséquences. Son parti a condamné ses actes, évoquant sans retenue le mot «mensonge», terme qu’il a évité lors de son allocution. Certains de ses soutiens, à l’image du conseiller national socialiste Carlo Sommaruga qui l’a dit sur les ondes de Forum, se sentent aujourd’hui trahis. Pierre Maudet semble convaincu – ou cherche à se convaincre – qu’il est en capacité de gouverner encore, malgré le champ de ruines que cette histoire a déjà créé. Il croit que les «mesures organisationnelles» que le Conseil d’Etat a annoncé mercredi devant la presse suffiront à circonscrire l’incendie et protéger les institutions. Pierre Maudet, l’homme d’Etat, semble aujourd’hui incapable d’analyser clairement la situation. Non, ces demi-mesures ne serviront pas. Elles semblent simplement sauver la face et laisser à Pierre Maudet le choix ultime qu’il doit désormais faire: démissionner. Non pas parce que les raisons qui l’ont poussé à mentir sont forcément graves ou inavouables – lui affirme que c’était pour protéger sa famille d’une éventuelle polémique publique. Mais simplement parce que dans la situation dans laquelle il se trouve désormais, tout le feuilletonnage de l’affaire va sans aucun doute impacter lourdement la sérénité du Conseil d’Etat, et donc des institutions dans leur ensemble.

L’avenir politique de Pierre Maudet n’est bien sûr pas définitivement terminé. Heureusement d’ailleurs. Une fois que toute la lumière aura été faite et que le volet judiciaire sera derrière lui, rien ne l’empêchera de redemander au peuple sa confiance. Si tout se passe bien, il en sortira même grandi, et au bénéfice d’une expérience qui lui servira le restant de sa carrière. Mais pour l’heure, son retrait est indispensable. Car s’il s’accroche au pouvoir envers et contre tout, alors il risque de se faire encore plus de tort, et d’en faire d’autant plus aux institutions et à son parti. En prenant ses responsabilités, il s’assurera bien plus de sympathies et de respect qu’en demeurant à son poste peu importe les conséquences. C’est ce qu’on peut attendre d’un homme d’Etat, et Pierre Maudet en est un.

Partager cet article

Facebook
Twitter
Imprimer
Email

Une réponse sur “Pierre Maudet: la chute d’un météore de la politique”

  1. bravo gregoire je partage votre analyse et votre conclusion…et en tant que militant délégué PLR GE je demanderai aussi la demission de Pierre Maudet la mort dans l’âme …pas le choix

Laisser un commentaire