Pierre Maudet s’est mis provisoirement en retrait de la présidence de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), a annoncé vendredi 21 septembre cette dernière dans un communiqué de presse. C’est Urs Hofmann qui sera en charge de l’intérim au sein de la Conférence. Le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet est empêtré dans l’affaire de son voyage à Abu Dhabi payé par le prince héritier Mohammed ben Zayed Al Nayhane, à laquelle se sont ajoutés les mensonges qu’il a partiellement admis lors d’un entretien à la télévision Léman Bleu. Cette affaire lui vaut une mise en prévention du Ministère public genevois. Il était donc attendu que Pierre Maudet ne puisse plus assumer la charge de président de la prestigieuse CCDJP, au moins tant que le volet judiciaire de l’affaire demeure en cours.
L’Affranchi a été interpellé par un ancien conseiller d’Etat genevois qui, sous le couvert de l’anonymat, s’interrogeait quant à la légitimité pour Pierre Maudet de continuer à siéger dans ladite conférence, alors «qu’il n’est plus en charge de la police ni de la justice». Cet ancien élu estime que c’est au Conseil d’Etat d’en décider. Mais «ce serait à [son] avis contradictoire avec les décisions de l’Exécutif sur la réorganisation des départements», laquelle a transféré la charge de la police et des relations entre le gouvernement et la justice au conseiller d’Etat Mauro Poggia.
L’Affranchi a interrogé le conseiller d’Etat Mauro Poggia par le biais de son service de communication pour savoir s’il s’agit d’une question sur laquelle le Conseil d’Etat allait se prononcer prochainement, et si ce n’était pas à lui d’être membre de ladite Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police, puisqu’il est provisoirement en charge de ces prérogatives. «Cette question n’est pas à l’ordre du jour, a répondu Mauro Poggia par courriel, et le fait que Pierre Maudet se soit mis en retrait provisoirement ne veut pas dire qu’il n’entend pas reprendre la présidence lorsque cela sera possible et opportun. J’imagine mal que ce projet soit compatible avec un retrait de la CCDJP, ce d’autant qu’il s’occupe toujours de tâches qui sont de la compétence de cette conférence.»
L’émission Forum de RTS La Première s’interrogeait également vendredi 21 septembre sur le maintien de Pierre Maudet au sein de cette conférence «de premier plan sur la scène fédérale», puisqu’il a été dessaisi provisoirement de nombreuses prérogatives relatives à sa fonction. Selon la journaliste de la RTS Pauline Rappaz, les membres de la CCDJP estiment également que c’est au Conseil d’Etat genevois de décider qui le représente dans cette conférence intercantonale. Forum a contacté la présidence du Conseil d’Etat, qui a répondu que Pierre Maudet est confirmé comme représentant de Genève au sein de cette institution parce qu’il est toujours en charge des migrations et de la détention.
L’Affranchi a pour sa part sollicité un commentaire de Pierre Maudet à ce sujet. Réponse obtenue par courriel: «Mes collègues de la CCDJP m’ont maintenu leur confiance car ils savent que j’ai une connaissance approfondie des dossiers; je conserve la présidence de cette Conférence ainsi que celle relative au groupe de travail sur la restructuration de l’organisation policière. J’ai en revanche demandé à être dispensé de toute fonction représentative tant que je serai concerné par l’enquête».
Pierre Maudet a également été auditionné par ses collègues de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police. Mais sur ce point, aucun élément n’a filtré. La CCDJP devait donner une conférence de presse à l’issue de sa réunion. Elle a finalement renoncé à le faire, se contentant d’un communiqué succinct. Est-ce que le conseiller d’Etat genevois a pu, lors de cette audition confidentielle, apporter des éléments de preuve quant aux raisons de son voyage à Abu Dhabi, de sorte que ses collègues de la CCDJP ne lui ont pas mis la pression pour qu’il démissionne de la présidence plutôt que de se mettre en retrait provisoirement? Cette question demeure en suspens.
L’affaire qui concerne Pierre Maudet a aussi fait parler d’elle lors de la session de jeudi 20 et vendredi 21 septembre du Grand Conseil genevois. Une proposition de résolution de l’extrême gauche visait à prendre position en faveur de la démission du conseiller d’Etat. La presse avait laissé présager une majorité en faveur de cette déclaration d’intention, mais lors du vote en plénum, seuls les députés de l’extrême gauche ont voté le texte, les autres partis l’ayant sèchement balayé.
Le Parlement devait également se prononcer de manière consultative sur la réorganisation des départements opérée par le Conseil d’Etat. Les députés l’ont validé sans esclandre notable. Ce qui devait être un jeudi noir pour Pierre Maudet à en croire le journal Le Temps s’est révélé finalement bien moins catastrophique pour l’image du conseiller d’Etat genevois.