Le Conseil d’Etat vaudois a annoncé ce mercredi 1er novembre son intention d’appliquer dès 2019 sa troisième réforme de la fiscalité des entreprises, plébiscitée en 2016. A priori, cela peut paraître anodin: une loi sera mise en œuvre un peu plus de deux ans après avoir été acceptée en votation populaire. Pas de quoi fouetter un chat. Il n’en est rien. Cette législation était censée permettre d’adapter la législation vaudoise à l’adoption sur le plan fédéral de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises (RIE 3), laquelle impliquera l’abandon des régimes fiscaux spéciaux. Ce paquet a été refusé entre temps par les Suisses parce qu’il a été jugé bien trop généreux avec les entreprises. Le Conseil fédéral élabore actuellement une nouvelle version, dont les grandes lignes ont déjà été communiquées.
L’entrée en vigueur de cette nouvelle version de la réforme fédérale est prévue au plus tôt en 2020. Ce qui implique d’une part que l’application de la législation vaudoise dès 2019 ne permettra pas au canton d’obtenir les compensations financières qui seront prévues dans la réforme fédérale, et d’autre part induira une concurrence fiscale intercantonale accrue. La seule annonce de cette décision pourrait inciter des entreprises à évaluer l’opportunité de se délocaliser en terres vaudoises. A noter qu’un jour auparavant, les milieux économiques vaudois plaidaient pour une mise en œuvre rapide de la loi votée par les Vaudois.
L’un des éléments qui a coulé la troisième réforme de la fiscalité des entreprises sur le plan fédéral est la déduction des intérêts notionnels, c’est-à-dire la déduction imposable des intérêts théoriques (donc fictifs), auquel tenait particulièrement le ministre vaudois des Finances Pascal Broulis et pour lequel il a largement milité. Il porte donc une responsabilité importante dans la défaite de la réforme fédérale, laquelle n’aurait peut-être pas cristallisé autant d’opposition en l’absence d’un tel instrument d’optimisation fiscale agressive.
En annonçnt l’application de sa réforme de la fiscalité des entreprises, qui verra le taux ordinaire d’imposition des entreprises dans le canton de Vaud passer d’environ 21% à 13,79%, le canton de Vaud ne fait rien de moins qu’un coup de Trafalgar à ses voisins. Ainsi, il est certain que cette annonce va augmenter la pression des milieux économiques sur les cantons qui attendent sur la réforme fédérale pour adapter leur législation, conduisant potentiellement à des décisions prises dans la précipitation. Quelque part, le Conseil d’Etat vaudois a déclaré une guerre en matière de concurrence fiscale intercantonale.
Quelle sera la réaction des ministres des Finances des autres cantons? En tous les cas, le canton de Vaud se révèle être un partenaire pour le moins peu fiable lorsque ses intérêts supérieurs sont en jeu. Cette décision aura de lourdes conséquences ces prochains mois sur le débat politique.
2 réponses sur “Fiscalité des entreprises: le coup de Trafalgar du canton de Vaud”
Vous oubliez que les entreprises ont déjà vu leur charge augmenter dès 2017 pour une augmentation des allocations familiales, subside aux assurances maladies. La contribution à l’accueil de jour est encore à venir. D’autre part, l’imposition des bénéfices ne touche que les entreprises qui en font, du bénéfice. Celles qui n’en font pas ont quand-même droit à une augmentation des charges. Et n’oubliez pas que le 98 % des PME sont justement des petites entreprises de quartier, qui galèrent au quotidien face à la pression des prix imposés par les grands. Je ne parlerai pas de l’injuste imposition sur la valeur fiscale supposée d’une entreprise qui atteint des sommets pour l’Etat, alors que lorsque vous voulez la vendre, on vous en donne des clopinettes…
Merci pour votre commentaire. Non je n’oublie pas ces éléments. C’est effectivement problématique que le canton de Vaud ait appliqué les mesures de compensation avant l’ensemble de la réforme. Je constate simplement que cette décision d’appliquer le volet fiscal va faire tâche d’huile dans les autres cantons, lesquels devront aussi appliquer une réforme pour s’aligner plus ou moins sur la situation vaudoise.