Plaidoyer pour un homme

L'ancien président du Grand Conseil Renaud Gautier estime que les errements du conseiller d'Etat Pierre Maudet ne doivent pas faire oublier l'homme derrière la fonction.

Nous serions-nous rencontrés hors la politique? Je ne crois pas. Il me semble que nos intérêts, nos envies sont trop éloignés, différents. Mais voilà, la marmite, le chaudron politique nous a amenés à nous rencontrer. Je suis, on le sait, plutôt indépendant de nature. Je n’aime pas tellement les autoroutes de la pensée dominante, le «formatage» de la pensée unique; j’aime les chemins de traverse. Et ça m’a souvent coûté chaud! Et exaspéré plus
d’un chef de groupe, plus d’un conseiller d’Etat.

Lui est, me semble-t-il, plutôt un homme d’appareil. Il est méthodique, organisé et exigeant. Il aime être devant des troupes qui le suivent. Beaucoup d’entre eux étant, maintenant, les premiers, à se dédouaner… Le reniement… ce ne serait pas lui, que l’on pourrait parler des reniements de Pierre! L’éternelle histoire des girouettes, de ceux qui aiment côtoyer le
pouvoir quand il n’y a pas de risques, pas d’enjeux.

Il l’a dit, il l’aime ce pouvoir. Pas l’argent. Mais nos différences, toutes nos différences font le sel de la vie. Car qui veut d’un monde aseptisé, ordonné a l’extrême, où tout n’est que contrôle. Un monde acratopège et stérilisé. Un monde où les Moralisateurs sont les grands manitous du «juste». De ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire. Rien que d’y penser, j’en ai froid dans le dos.

Les «surhommes», ça va chez Nietzsche et chez les journalistes. Mais ce n’est pas dans ce monde que nous vivons. Et tous celles et ceux qui, généralement, se posent avec bonheur et délectation comme les défenseurs de la veuve et de l’orphelin, sont les premiers a brandir les armes pour l’exécution programmée. L’éternelle histoire de la paille et de la poutre. Comme si montrer
une faiblesse, un défaut, justifiait un appel au lynchage. Et tout ça, pourquoi?

Il a menti. Avant tout à lui-même. A la classe politique. Et les moralistes, qui savent tout par définition, d’ajouter: aux électeurs ! «Car Monsieur, chez ces gens-là (les moralisateurs), on ne cause pas, on compte» comme disait le grand Jacques. Et son parti (pardon, le «Codir» de son parti…), de lui amener un «soutien critique»…

Il l’a dit, la roche tarpéienne est proche du Capitole. Faut-il pour autant le pousser? Tous ces moralisateurs peuvent-ils se regarder, le matin, dans leur glace sans sourciller? Que celui qui n’a jamais fauté… Disons-le clairement, j’ai aussi menti. A moi comme aux autres. Et j’aurai à en répondre devant la Justice.

Mais oui, je suis convaincu que l’on peut, que l’on doit rebondir et que l’on peut ressortir renforcé de ses mensonges. Mais je sais aussi que le regard des autres peut être aussi bien assassin que bienveillant. Et qui donc peut dire que ça ne lui arrivera jamais?

Dans le fond, je le connais peu. Mais il y a deux choses dont je suis certain: il a appris dans le bruit et la fureur qu’il avait fauté; il saura en tirer la leçon. C’est une belle intelligence dont je ne suis, de loin, pas convaincu que Genève puisse se passer. Et puis, il est (re)devenu humain. Comme chacun d’entre nous. Avec des forces et des faiblesses. Non, ce n’est pas «un météore de la politique»; c’est un Homme comme vous et moi. Et c’est tant mieux!

Et, croyez-moi, ça va lui donner un peu d’humanité! Et, dans ce cas particulier, je fais mienne la phrase de Martin Niemöller: «Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester».

Renaud Gautier
Ancien président du Grand Conseil

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2 réponses sur “Plaidoyer pour un homme”

  1. Bravo et Merci pour votre article mr Gauthier. Il a le mérite de l’honnêteté et l’expérience. C’est vrai Pierre a fauté et a fait une grosse connerie (comme dit Me C. Poncet) . Il mérite une sanction, mais pas ce lynchage médiatique soigneusement entretenu par la gauche (EàG,MCG,PS et PDC).

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