Genève doit être exemplaire en matière de droits humains

Le canton dépositaire des conventions portant son nom est doté d'une nouvelle constitution dont l'application en matière de droits humains demeure largement perfectible, selon le député socialiste Diego Esteban.

En 2012, Genève perdit son office des droits humains créé quatre ans plus tôt, alors que le peuple acceptait (enfin) une révision totale de la Constitution de 1847. Deux changements notables dans le canton dépositaire des conventions portant son nom, lieu de naissance du droit humanitaire et siège de nombreuses organisations internationales, à l’instar du Comité des droits humains de l’ONU, du Haut-Commissariat pour les Réfugié.e.s ou encore de la Croix-Rouge.

La cure de jouvence de la loi fondamentale de notre canton lui a conféré une certaine modernité, avec l’ajout salutaire de nouveaux droits fondamentaux protégeant notamment les personnes en situation de handicap et les couples de même sexe. Ces avancées sont dignes du rôle fondamental de Genève en matière de droits humains, et contrastent donc curieusement avec la suppression de l’office cantonal qui aurait auparavant été chargé de leur application.

Selon le Conseil d’Etat, l’office n’apportait pas une plus-value essentielle, la coordination des mesures de mise en œuvre des droits humains pouvant parfaitement être assumée sans organe administratif consacré à cette tâche. Six ans plus tard, l’état des lieux présente une version différente des faits. En réponse à une motion votée par le Grand Conseil (M 2216) l’interrogeant précisément sur la coordination en matière de droits humains, le gouvernement cantonal a révélé de nombreuses lacunes dans le dispositif de mise en œuvre.

Alors que l’office des droits humains avait la charge de coordonner la réalisation et la mise en œuvre de l’ensemble des droits fondamentaux dans le canton, les offices et bureaux actuels de l’administration ne recouvrent pas l’ensemble de la matière contenue dans la Constitution. La coordination elle-même ne compte pas de référent.e déterminé.e, le conseiller d’Etat en charge de la cohésion sociale Thierry Apothéloz ayant d’ailleurs indiqué au Grand Conseil mener ladite coordination sur une base essentiellement volontaire et facultative. Il manque donc un mécanisme cohérent et systématique de coordination, qu’il soit piloté par un office spécifique ou non.

À ces éléments s’ajoute l’application inexistante de l’article 42 de la Constitution genevoise. Cette disposition réclame une évaluation périodique indépendante de la mise en œuvre des droits humains dans le canton, similaire à l’examen de la Suisse conduit tous les quatre ans devant le Comité des droits humains de l’ONU. Interrogé sur ce point, le conseiller d’Etat Pierre Maudet a simplement renvoyé à l’examen périodique de l’ONU, bien que cette procédure ne soit pas indépendante (les examinateurs sont les autres pays membres) et qu’elle ne couvre pas forcément les droits contenus dans la Constitution genevoise.

Les député.e.s ont par conséquent rejeté de manière unanime la réponse du Conseil d’Etat, réclamant une gestion coordonnée des actions en matière de droits humains, à la hauteur des contributions essentielles de Genève en la matière. La question de l’évaluation périodique indépendante est toujours pendante devant la commission des droits humains du Grand Conseil, mais le parlement cantonal est bien conscient que cette Constitution, votée par le peuple, doit être appliquée. Le canton pourrait ainsi mettre en place une évaluation périodique indépendante avant la fin de la législature, ce qui lui permettrait de retrouver une certaine efficacité dans ses efforts de mise en œuvre des droits humains.

Diego Esteban
Député socialiste au Grand Conseil genevois

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