Tu lâches ton fief, les Pâquis, et tu nous lâches. Moi, je trouve que ça fait beaucoup. On avait encore des tas de trucs à faire. Ensemble. Avec tous celles et ceux que nous avions rencontrés, découverts au Grand Conseil. Tellement de choses…
Et puis, nous avions encore quelques livres à nous prêter parmi, et enfin des tas de trucs à «causer» comme tu aimais à me dire.
J’avais espéré que tu puisses me rejoindre à la présidence du Grand Conseil. Avec ta modestie proverbiale, tu m’avais d’abord dit que tu n’étais pas sûr que ce soit ton tour. Puis tu as accepté! Nous avons donc passé une année ensemble, avec l’aide bienveillante et amicale de Maria-Anna. On s’est parfois (souvent?) agacé de ceci ou de cela. Mais plus qu’un vice-président, tu fus un compagnon d’aventures, une forme de sage. Ton chapeau vissé sur la tête dès les beaux jours, tu me faisais penser à Charles Trenet. En hiver, tu avais une collection de bonnets, tous plus improbables les uns que les autres!
Alors nous partions déjeuner dans ton monde. Tu connaissais tous les bistrots des Pâquis, et tu me disais, aujourd’hui, c’est le jour du… donc on va aller chez Machin. Assis dans ces bistrots, plein de gens venaient te saluer, prendre de tes nouvelles. Et d’aucuns de me dire, avec fierté: il a été mon professeur! et moi, de chaque fois répondre: il est mon ami.
Evidemment, du coup, tu me racontais tes Pâquis, du temps où tu enseignais. Manifestement une période dont tu aimais parler. Tu racontais l’histoire du lieu; mais aussi les histoires de l’enseignant. Comme la fois, où tu avais averti «le Renquilleur», concernant un élève qui n’arrivait pas à être appareillé…
Et ça te fâchait! Tes colères ne duraient jamais longtemps; mais elles étaient Falstafienne! Ce n’était pas des petites colères. Mais des colères sérieuses. Fortes. Mais ça ne durait jamais longtemps! Car, après la pluie, le beau temps, me disais-tu encore il y a peu.
Et puis, il y avait la musique, le Beau Lac de Bâle, et tant d’autres choses.
Tu es parti au paradis des boulistes. Toi, tu dois bien t’amuser. A moi, tu me manques!