Pas encore déployé, le certificat covid essuie son premier échec
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a confirmé à la RTS que le «laisser-passer sanitaire» qui sera déployé d’ici fin juin ne sera dans un premier accessible qu’aux personnes qui ont été vaccinées. L’information, d’abord révélée par le TagesAnzeiger, n’est pas anodine. Ce que les autorités appellent le «certificat covid» a pour objectif de permettre à toute personne de démontrer qu’elle n’est pas contagieuse. Initialement, l’OFSP avait affirmé que cet outil serait immédiatement disponible pour tout le monde, et permettrait également aux personnes qui ont guéri de la maladie ou qui ont fait un test PCR dans les 72 heures de prouver leur non-contagiosité. Et donc de bénéficier des privilèges de ce laisser-passer sanitaire: accéder à des grandes manifestations, à des concerts… ou peut-être même à des bars ou des restaurants? Le Conseil fédéral a même reconnu que légalement, rien ne pourrait empêcher un commerce alimentaire d’exiger cette preuve pour laisser entrer les clients dans ses locaux.
Mais heureusement, la Confédération table sur le bon sens des privés pour ne pas exiger cet outil dans des situations qui ne le justifieraient pas. On est rassurés. Dans un premier temps donc, seules les personnes qui ont été vaccinées pourront utiliser l’outil. Quand est-ce qu’il sera accessible à toutes et à tous? Il n’y a pas de calendrier. Il faut tout de même rappeler que le Conseil fédéral a lui-même admis que ce laisser-passer sanitaire n’aurait plus de raison d’être une fois que le taux de vaccination de la population aura atteint un niveau suffisamment élevé – aucun objectif chiffré n’a toutefois été articulé par les autorités. La Confédération veut déployer un outil qui pose de sérieuses questions éthiques sans calendrier, sans horizon précis quant à sa durée d’utilisation, et le tout dans une précipitation totale. Le premier écueil de cette démarche accélérée se matérialise par l’incapacité de l’Office fédéral de la santé publique à tenir son engagement quant à l’accessibilité du certificat pour tout le monde.
Forcément, cette annonce va susciter l’incompréhension d’une partie non-négligeable de la population. Les personnes qui refusent le vaccin par conviction ou crainte y verront une tentative mal déguisée de forcer la vaccination par une porte dérobée. Celles et ceux qui attendent avec impatience leur dose constateront qu’ils et elles devront se contenter de continuer à patienter. Le certificat covid est accompagné d’une promesse alléchante: permettre de retrouver des activités interdites depuis de longs mois. Se réunir en plus grand nombre. Et le tout, dans une relative sécurité.
Cette situation ubuesque démontre surtout que ce projet est conduit sans vision. Les autorités veulent absolument faire quelque chose pour que la sortie de crise se fasse sous contrôle. Soit, c’est compréhensible. Mais faut-il le faire à n’importe quel prix, quitte à diviser la société, quitte à tenter une expérimentation sociale dont on ignore les effets à long terme? Le Conseil fédéral aurait pu choisir d’autres options pour proposer un retour progressif à la normale, sans introduire un instrument éthiquement contestable et politiquement casse-gueule. Il a fait le pari de la solution technique, comme si elle pouvait à elle seule effacer tous les risques inhérents à la très attendue sortie de crise. On le voit ici, non seulement la Confédération ne semble pas avoir pris en compte tous les paramètres d’un tel dispositif, mais en plus elle n’est pas en mesure de tenir ses propres engagements. Personne n’a obligé l’Office fédéral de la santé publique à promettre que ce certificat covid serait accessible à tout le monde dès sa mise en œuvre. Pourtant, face à son incapacité à respecter ses engagements, l’OFSP ne veut vraisemblablement pas retarder l’introduction du dispositif. C’est bien la preuve qu’il y a derrière tout cela un entêtement plus qu’une véritable stratégie. Il y a de quoi s’inquiéter quant à la suite des événements. – (Grégoire Barbey)
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